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APOPHTEGME DE CE QUE FUT LE GNOSTICISME


Vierge icôneDans sa recherche du bonheur, l’humain est en quête de compréhension sur lui-même et son environnement. Affectés par la douleur de l’exil, animés par un sentiment de manque et l’impression d’être lancés dans une aventure dont les règles nous échappent, nous cherchons à connaître la réalité de la vie et à acquérir la maîtrise de notre destin. Cette quête de sens a favorisé le développement de la magie et des premières religions, et ce mouvement de recherche n’a jamais cessé. Parmi les nombreux groupes philosophiques, religieux ou ésotériques qui émergèrent dans l’histoire de l’humanité, il y eut les Gnostiques.



1 — HISTORIQUE ET ESSAI DE DÉFINITION


1.1 — PROLÉGOMÈNE


Dix-huit siècles nous séparent de ceux-ci… Qui étaient ces êtres assez lucides pour porter sur la Création un regard dénué d’indulgence, assez sensibles pour avoir ressenti l’angoisse d’une éternité toujours promise et toujours refusée ? Avant d’examiner ces concepts, il convient peut-être de dire quelques mots sur les Gnostiques. Le mot « gnostique » vient de « gnose » qui signifie littéralement : connaissance secrète ou supérieure impartie à certaines personnes qualifiées par l’initiation. Le terme de « gnostique » est assez vague et présente des significations différentes, mais il a pris un sens privilégié dans les premiers siècles de notre ère. Sur les rives orientales de la Méditerranée, au moment où le Christianisme cherche sa voie, où les prophètes et les messies parcourent les routes de l’Orient, certains hommes appelés « Gnostiques » se regroupent autour de quelques maîtres et partagent un enseignement radicalement différent des thèmes et mythologies qui avaient cours. Ce qui caractérise les Gnostiques est la façon dont ces thèmes sont réinterprétés. C’est la révélation d’une histoire secrète qui traite de l’origine et de la destinée de l’humanité. Par ses éléments, le gnosticisme, dérivait de Platon, de Philon, de l’Avesta, des Kabbalistes juifs, et des mystères grecs. La gnose, ou connaissance, qu’ils désiraient, était essentiellement métaphysique et mystique. L’illumination, ou sagesse, à laquelle ils croyaient devait leur permettre de retourner au royaume divin ou cosmique.


Dans l’ouvrage mystique Pistis Sophia, la chute ou la descente de la Sophia est racontée par Jésus à ses disciples et c’est lui qui l’aide à remonter du chaos. Comme dans les mystères osiriens, le défunt suit la route du dieu à travers le monde infernal ; de même l’initié gnostique est analogue à la Sophia. Voici deux extraits de cet ouvrage interprété par G.R.S. MEAD (1863-1933). « Pour parvenir à la connaissance de la lumière, l’âme humaine (comme l’âme du monde devant elle) doit descendre dans la matière… d’où la Sophia, désirant la lumière, descend vers son reflet, depuis le treizième éon, en passant par le douzième jusqu’à la profondeur du chaos ou désordre, où elle semble en danger de perdre entièrement toute sa propre lumière innée ou son esprit, en étant complètement privée par la pouvoir de la matière. Étant descendue dans les profondeurs les plus basses du chaos, elle en atteint finalement la limite, et le chemin de son pèlerinage commence à la conduire de nouveau vers les hauteurs de l’esprit. Ainsi elle atteint le point médian d’équilibre, et, aspirant toujours à la lumière, elle prend le point tournant de son cours cyclique, et changeant la tendance de sa pensée ou mental ou nature, elle récite ses hymnes de pénitence ou de repentir. Son principal ennemi est la fausse lumière… qui est assistée par quatre-vingts pouvoirs matériels, reflets des projections surnaturelles, pouvoirs ou coassociés de la Sophia ».

Et encore : « Ils s’efforçaient à la connaissance de Dieu, la science des réalités, la gnose des choses-qui-sont ; la sagesse était leur but ; les choses sacrées de la vie leur étude. Il furent appelés de nombreux noms par ceux qui par la suite les tirèrent de leurs retraites cachées pour ridiculiser leurs efforts et jeter l’anathème sur leurs doctrines, et la coutume choisit de leur donner l’appellation générale actuelle qui est l’un des noms qu’ils s’attribuèrent. L’histoire de l’église se réfère maintenant à eux comme aux gnostiques, ceux dont le but était la Gnose, — si c’est là vraiment le sens correct ; car l’un des tout premiers documents existants déclare expressément que la gnose n’est pas l’objectif final. C’est le début du sentier, le fin étant Dieu ; et de là les gnostiques seraient ceux qui se servent de la gnose comme moyen d’accès à la voie qui mène à Dieu ».



1.2 — UN PEU D’HISTOIRE


Le gnosticisme a des origines variées dans l’espace et dans le temps. Son évolution a par la suite engendré plusieurs variantes. En voici quelques illustrations :


Les gnostiques préchrétiens


Selon Serge Hutin, il y a des origines orientales et grecques aux thèmes développés par les Gnostiques chrétiens. L’idée, du salut, procurée par une connaissance existe dans les Upanishad de l’Inde ; le bouddhisme prône la délivrance par l’llumination ; l’Égypte a fourni les mythes des multiples générations de dieux et de déesses et des descriptions du jugement des âmes ; le mythe de la descente et de la remontée des âmes est emprunté à la Babylonie. Le thème du « Sauveur sauvé » et la lutte entre la lumière et les ténèbres sont d’origine iranienne. Les Esséniens, dont les manuscrits ont été retrouvés dès 1948, peuvent être considérés comme des Gnostiques préchrétiens, car l’existence de la communauté de Qumram a duré de 160 avant J.C. jusqu’en 68 après J.C., année au cours de laquelle la Légion romaine détruisit le monastère de Qumram, puis le Temple de Jérusalem en 70. Nous ferons maintenant un rapide tour d’horizon de quelques Gnostiques du début du Christianisme


Simon le Mage (ou le Magicien ou le Samaritain)


Simon le mage est le plus ancien des prophètes errants. Quinze ans après la mort du Christ, il prêche aux mêmes endroits que l’apôtre Pierre qui doit souvent combattre son influence. Né à Gitta, en Samarie (région de Palestine centrale), Simon se promène avec Hélène, ancienne prostituée de Tyr, il affirme que tous deux sont Soleil et Lune, Puissance Suprême et Sagesse descendues des cieux. Simon et Hélène prêchent, convertissent, et opèrent des miracles et prodiges. C’est le temps de la multitude des prophètes et dieux incarnés que les auteurs païens décrivent avec ironie. Simon n’est qu’un des prophètes, mais il attire les foules. On l’écoute et on le suit comme les apôtres. Il a un message singulier, reconnaissable entre tous, car il cohérent, rationnel, subversif : le message gnostique par excellence. Voici un aperçu de l’enseignement de Simon le Mage.

D’après lui, l’homme possède en lui une parcelle du feu donnant des possibilités, mais tout dépend de lui pour qu’elles se développent ou disparaissent. Autrement dit, « l’âme n’est pas immortelle par nature, elle peut seulement le devenir » si l’homme entretient et nourrit ce feu privilégié qu’il porte en lui ; sinon, le feu divin retournera au néant.

Cet enseignement contredit celui des apôtres pour qui l’âme est immortelle, quoi qu’il fasse. Pour le Gnostique, c’est « ici et avant la mort » que tout se joue. Chacun de nos instants est compté, chaque minute de notre vie est une porte ouverte sur le néant ou sur l’immortalité. La possibilité de la réincarnation n’est pas partagée par tous, ce qui explique le sentiment d’urgence qui les habite.


Les principaux Gnostiques des premiers siècles


N’ayant eu ni église, ni dogme, ni concile, le Gnosticisme s’est développé selon des voies multiples qui toutes en font partie. Si l’histoire du Christianisme est celle de la victoire du dogme contre les hérésies, le Gnosticisme doit éviter de privilégier un courant au détriment des autres. Il n’y a pas d’hérésie pensable dans le Gnosticisme puisque, par essence, la Gnose englobe au lieu de diviser. Ainsi, on pourrait conclure que la Gnose, comme chez mystiques traditionnels, favorise tolérance et indépendance. Aux yeux des Gnostiques, chacun est responsable de son évolution.


Après Simon, le Mage, plusieurs disciples perpétuèrent son enseignement, dont Ménandre et Saturnin, mais chacun suivit une voie personnelle, y ajoutant ses propres méditations. Les premiers gnostiques chrétiens ont vécu au II° et III° siècles après J.C., comme Basilide (secte de basilidiens), Carpocrate (secte des carpocratiens) et Valentin (secte des valentiniens). Ces deux derniers enseignaient en grec à Alexandrie. Nous allons les considérer brièvement.


Basilide. Il enseignait entre 120 et 145 environ à Alexandrie au temps d’Hadrien et d’Antonin le Pieux. Il composa un Évangile, dont on a un fragment, un commentaire, Exegetica, des Psaumes ou Odes. Il se réclamait d’une tradition secrète remontant prétendument à saint Mathias et à saint Pierre. Selon lui, il fut un temps où rien n’était. Cela signifie qu’il n’y avait rien, cela veut dire que le rien lui-même n’existait pas, et Dieu fut alors appelé « Celui qui n’est pas ». le monde est une illusion, un mirage d’un autre monde non créé, non engendré. Au bout de la pensée de Basilide, on rencontre le Silence. Il imposait, comme Pythagore, un silence de cinq ans pour susciter chez le disciple une conscience accrue, un supplément d’âme. La secte des basilidiens, à laquelle se rattache le fils de Basilide, Théodore, connut une large diffusion. Elle existait encore en Égypte au IV° siècle.


Carpocrate. Selon lui, les lois trompeuses de ce bas monde ont été crées par les anges inférieurs pour détourner les intentions du vrai Dieu. Ainsi pour retrouver la source pure du Désir et la Loi véritable, les humains doivent violer les lois du monde en toute occasion. Carpocrate et son fils Épiphane prône l’immoralisme érigé en système rationnel, l’insoumission totale élevée au rang de voie libératrice.


Valentin. Selon la définition de sa cosmologie, il y a, au sommet, le Dieu bon, isolé, et en dessous, trente cercles, jusqu’à notre monde terrestre, gardés chacun par un Éon. Cet ensemble constitue le Plérôme, le monde de la Plénitude, réservoir des Essences. L’Éon du trentième cercle avait pour nom « Sophia », la Sagesse. Or celle-ci voulut un jour contempler la splendeur du Plérôme. Une fois franchi le dernier cercle, elle fut éblouie, prise de vertige et chuta jusqu’à notre monde. Cette intrusion de Sophia eut des conséquences. Enceinte de la Plénitude, elle accoucha d’une créature, un monstre inhumain que sa mère ne pouvait pas regarder et sur lequel elle jeta un voile qui sépara les deux mondes. De ce monstre naquit l’homme, à la suite de retouches, de corrections ou d’additions auxquelles participèrent les Éons du Plérôme. Quelque chose subsista en l’homme de la brève contemplation de la splendeur d’en haut… un reflet de l’invisible… une touche de lumière qui favorisa peut-être, dans la psyché, l’insatiable quête, le désir de retourner vers l’Origine.


Mani ou Manès. Parallèlement à la Gnose qui se développait à partir d’Alexandrie, un important prophète créa une religion gnostique d’envergure dans son pays l’Iran. Il est né en Babylonie (Mésopotamie : Iran, Irak, Koweït) le 14 avril 216. Porté très tôt à la méditation et aux activités intellectuelles et artistiques, il eut une première révélation à 12 ans et, à 24 ans, dans sa grande révélation, un ange lui ordonne de se manifester. Mani est persuadé d’être le « Sceau des Prophètes » (repris par Mahomet vers 610), et se considère comme le dernier des Envoyés de Dieu.

Protégé du roi Shahpur, il prêche en Iran et y développe sa religion. Plus tard, sous le règne de roi Bahrâm I, il est emprisonné et meurt le 27 février 277, dans d’atroces souffrances. Sa formation religieuse comportait l’étude des quatre Évangiles et des Épîtres de Paul. Il prit aussi connaissance des apocalypses d’Adam, de Seth, d’Hénoch, de Noé et eut accès à différents écrits gnostiques.

Le Manichéisme n’est pas une simple hérésie chrétienne. Mani a fondé une nouvelle religion destinée à conquérir le monde entier. Pour empêcher les erreurs d’interprétation et les doutes, il a écrit lui-même tous ses messages et ses dogmes. Le Manichéisme sera alors une « religion du Livre », fondée sur la Parole des Écritures. Mani a veillé à ce que ses copistes conservent intacte sa Révélation, sous peine de sacrilège, ce qui permit la conservation de ses livres.

Le Manichéisme propose l’enseignement sous forme de mythe, car le Gnostique considère que la Vérité nécessite attente et méditation, contemplation extatique et mystique. Cela facilite l’immersion dans la Vérité, qui envahit une âme disponible. C’est devant le mythe et par le message porté en filigrane, que la Vérité est saisie et que s’opère la Gnose.

La religion manichéenne, la plus persécutée de l’histoire, a existé jusqu’au XV° siècle et il y a des résurgences modernes et contemporaines. Pendant ces douze siècles, l’Église fondée en Babylonie par Mani et les doctrines qu’elle a inspirées se répandent de la Chine à l’Espagne et à la France, après avoir pénétré successivement dans de nombreuses provinces des Empires iranien, romain, musulman et byzantin.

Voici les principaux thèmes à la base du Manichéisme et se retrouvant plus tard dans la tradition manichéenne :

• Il y a dualisme des Principes d’où deux Substances essentiellement distinctes. C’est l’opposition entre le Dieu bon, Père du monde invisible, dominant l’empire de la Lumière, et le Démiurge, créateur et maître du monde visible, prince de la Terre, des ténèbres infinies.

• Rejet de l’Ancien Testament, pour le remplacer par les propres écrits de Mani, car seules les Écritures illuminent celui qui les écoute et qui se laisse saisir par leur force.

• Attachement particulier à l’enseignement de l’apôtre Paul.

• Reconnaissance d’un « Christ Spirituel » n’ayant pas subi l’incarnation et dont la crucifixion ne fut qu’apparente. Rejet des sacrements parce que matériels : « le Corps et le Sang du Christ » qu’il faut recevoir se retrouvent dans sa parole.


Documents coptes découverts à Nag Hammadi (Égypte). Ceux-ci sont variés et demanderaient une description élaborée impossible à faire dans ce modeste travail. Plusieurs Évangiles sont connus, ceux de Thomas, Philippe, ou Marie et ont été traduits par plusieurs auteurs et demandent une étude très approfondie. Dans ce cadre nous n’aborderons qu’un écrit nommé « Texte sans titre » et surnommé : Traité de la Création du monde. Cette mythologie est aussi reprise dans l’Hypostase des Archontes et l’Authentikos Logos. Il raconte les étapes de la Création du monde et de la chute de l’Homme. En voici quelques extraits :

S’il est vrai qu’il y a accord entre tous les humains sur le fait que le chaos est ténèbre, il est donc issu d’une ombre, on l’a appelé « ténèbre ». Or, l’ombre provient d’une œuvre existant depuis le commencement. Il est donc évident que cette dernière existait avant que le chaos ne fût et que c’est après la première œuvre qu’il est venu {…}


Ainsi donc,

Le premier Adam de la lumière est spirituel. Il apparut le premier jour.

Le deuxième Adam est psychique. Il apparut le deuxième jour., auquel on donne le nom d’Aphrodite.

Le troisième Adam est terrestre, c’est l’homme de la loi qui est apparu le huitième jour, après le repos de la pauvreté, celui qu’on appelle « jour soleil »

Or la postérité de l’Adam terrestre se multiplia et parvint à maturité. Elle conçut en elle toutes les histoires au sujet de l’Adam psychique ; néanmoins, tous étaient dans l’ignorance.


Ces textes mythologiques sont difficiles à comprendre et à analyser. Les manuscrits de Nag Hammadi n’ont pas encore livrés tous leurs secrets, mais on peut déjà constater qu’ils présentent des similitudes avec les principaux écrits mystiques et ésotériques



1.3 — LE MONDE GNOSTIQUE HISTORIQUE ET SA DOCTRINE


Selon la Tradition, le promoteur du gnosticisme fut Simon de Gîta. Les apôtres Pierre et Jean l’avaient, dit-on, rencontré en Samarie. Mais, en réalité, Simon ne fut qu’un instructeur individuel. Il n’y eut pas de fondateur unique du gnosticisme.


Les Gnostiques chrétiens furent les premiers à préparer une réelle cosmogonie et cosmologie de leur époque. Le gnosticisme fut une philosophie religieuse qui tentait d’interpréter le christianisme et le judaïsme selon une philosophie proche du néoplatonisme. Les gnostiques soutenaient qu’il avaient une connaissance plus profonde de Dieu, qui leur avait été transmise secrètement depuis l’époque de Jésus-Christ. Ils exposaient que seuls ceux qui étaient testés et éprouvés pouvaient recevoir une telle connaissance spécifique et être à même de la saisir. Ils soutenaient qu’ils avaient une connaissance, des faits spirituels, contrastant avec la simple foi telle que l’exposait l’Église chrétienne des deux premiers siècles de notre ère. À l’époque des apôtres et pendant les deux siècles qui suivirent, le Gnosticisme fut un système défini de pensée, avec des racines issues d’un un lointain passé.


De part sa doctrine consolidée, le gnosticisme devint un important rival du christianisme orthodoxe. En fait, beaucoup des premiers Chrétiens devinrent Gnostiques. Comme philosophie et religion, le gnosticisme met l’accent sur l’individualisme. C’est seulement par l’étude et l’application d’une certaine connaissance qui lui est impartie que l’individu pourra atteindre le salut. Ceci s’oppose au principe du salut de l’âme par la seule mort de Jésus-Christ. Le salut devenait ainsi une nécessité pour l’individu de s’efforcer de libérer son âme de sa servitude matérielle. Dieu était séparé de l’homme par une succession d’éons, d’entités et de démons. L’âme de l’homme avait chuté à un bas niveau et était enserrée dans la matière et les tentations terrestres. Elle devait regagner son état spirituel originel par une ascension, passant par les éons successifs jusqu’à Dieu. L’âme dans ce voyage céleste, remonte vers l’origine d’où elle est descendue en ce bas monde. L’ascension suppose une descente : l’âme, consubstantielle au monde divin, est tombée ici-bas. Peut-on dire que cette représentation soit propre au gnosticisme et que celui-ci serait caractérisé par une idée de dégradation du divin ? Il s’agit certes d’un thème commun à tous les systèmes du gnosticisme.

À l’origine du Tout, il y a un Éon invisible, parfait, inconcevable et éternel, habité par un Être absolu immuable replié sur lui-même, coexistant avec sa Pensée qui est Silence absolu. De cette unité primitive du Pro-Père et de sa pensée va émaner une seconde image du Père. Cette première émanation est dégagée de l’isolement primordial et capable d’engendrer un monde divin ou Plérôme, constitué d’un certain nombre d’entités (généralement appelées « éons », c’est-à-dire « mondes » ou « périodes ») hiérarchisées et groupées en couples (syzygies) comprenant une puissance masculine et une puissance féminine. Cette représentation mythique ne doit pas être comprise grossièrement : elle sert à désigner un processus analogue à la génération du Logos par la Pensée divine dans la théologie chrétienne orthodoxe. Ce Plérôme est complet en lui-même et fermé par la Limite (Horos). Le dernier éon, en général de nature féminine et appelée Sophia, par les Valentiniens, Barbélo ou Mère des vivants par d’autres gnostiques, est envahi par la « passion », c’est-à-dire qu’il est victime d’un désir désordonné. Selon les Valentiniens, la Sophia a voulu voir l’infinité du Père transcendant, alors qu’elle en est incapable. Ce désordre l’entraîne hors du Plérôme, elle devient la Sophia Achamoth, la mère du Démiurge mauvais Iadalbaoth, Créateur du monde sensible, de la matière. Ainsi, dans leur cosmogonie, les gnostiques ne présumaient pas que la Divinité Suprême avait créé le monde. En quoi, ils évitèrent d’attribuer le mal du monde à la création divine. Autrement dit, si un Être suprême avait tout créé, comme le Judaïsme le déclarait de Yahvé, alors, évidemment, le mal du monde pouvait aussi être attribué à un tel être divin. Pour éviter cette complication, les gnostiques exposèrent que le Cosmos était la création du démiurge : être inférieur à Dieu et très éloigné du Dieu Suprême.

Par conséquent et selon le Gnostique, la vie et le devenir de la Création sont donc une œuvre manquée, mais il a une certitude : il existe en l’homme une lumière issue du vrai Dieu inaccessible, étranger à l’ordre pervers de l’univers réel. La tâche de l’homme est de regagner sa patrie perdue, de retrouver l’unité première et le royaume de ce Dieu inconnu et méconnu par toutes les religions antérieures.


Les Gnosticismes chrétien et païen s’épanouissent dans une période de décomposition du monde antique, en proie à une angoisse spirituelle et de la sensibilité des Gnostiques face aux problèmes de la destinée humaine : « D’où suis-je venu ? Que suis-je ? Qu’est le monde matériel ? Où irai-je au-delà de cette vie ? ». Cette angoisse, qui ne touchait pas seulement l’élite et les masses, présente des similitudes avec celle des sociétés modernes où l’économie vacille et où l’injustice, les violences sont présentes. La solitude de l’individu, dans les grands États, rend encore plus pesante la mort et porte chacun sa propre condition.


Le néoplatonisme exposait la croyance en l’émanation, descendue du Divin, qui donna naissance aux choses de la création matérielle. Plus la création s’éloignait en descendant, moins elle avait de qualité divine. L’homme était descendu à un niveau inférieur et devait donc avoir la rédemption par une gnose ou une connaissance spéciale, permettant à son âme de retourner en conscience, étape par étape, éon par éon, à son état divin d’origine.


En général, le Cosmos tel que le voyaient les premiers Chrétiens est plutôt complexe. Fondamentalement, c’est un univers géocentrique, c’est-à-dire que la Terre est censée être le centre de l’univers et entourée au-dessous par le chaos des eaux. Au-dessus, s’étend une voûte fixe : le firmament, qui soutient les cieux. Cette voûte forme un chemin que traversent le soleil et les planètes. Au-delà du firmament est le lieu des étoiles fixes.


En résumé, le gnosticisme exotérique, par ses éléments, dérivait de Platon, de Philon, de l’Avesta, des Kabbalistes juifs et des mystères grecs. La gnose ou connaissance, que les gnostiques désiraient, était essentiellement métaphysique et mystique. L’illumination, ou sagesse, à laquelle ils croyaient devait permettre de retourner au royaume divin ou cosmique.



2 — LE GNOSTICISME : DÉFINITIONS SELON LA TRADITION ET LA SPIRITUALITÉ


2.1 — LA GNOSE


Selon Clément d’Alexandrie, qui écrivit énormément sur le gnosticisme, la gnose est « la connaissance de ce que nous sommes, de ce que nous sommes devenus, d’où nous étions, et du lieu dans lequel nous avons été placés ; de l’endroit vers lequel nous nous hâtons, de celui d’où nous avons été tirés ; de ce qu’est la naissance, de ce qu’est la renaissance ». Cette gnose est une sorte de connaissance immédiate. Elle pénètre la conscience en un éclair sans le labeur du raisonnement. Elle suit la contemplation et la méditation comme une expérience spirituelle, ou comme une illumination de la conscience. On dit qu’elle ne provient pas de l’abstraction ou de la dialectique et qu’elle doit être invoquée. Bien qu’apportant dans la conscience des concepts sous une forme plus ou moins compréhensible, la révélation intuitive doit d’abord être engendrée par l’accomplissement de certains rites et cérémonies.


Pour être plus clair : la gnose pouvait dévoiler à l’homme, sous une forme complète une connaissance, comparée aux idées distinctes qui auraient nécessité d’être intégrées dans un concept laborieux. Une telle connaissance ne pouvait pas jaillir dans la conscience sans effort de la part de l’homme. Une préparation était nécessaire pour permettre la révélation de cette sagesse gnostique. Les idées pouvaient être communiquées par l’intelligence supérieure à la connaissance mortelle seulement si l’homme procédait à des rites profonds. Ceux-ci étaient des clefs. Ils consistaient en symboles, en mots et en signes, par l’intermédiaire desquels l’homme pouvait se mettre en rapport avec des intelligences supérieures qui lui donneraient l’illumination de la gnose.



2.2 — ILLUMINATION MYSTIQUE


La gnose et la lumière étaient considérées comme synonymes. Dans la plupart des écoles de mystères, la lumière signifiait l’illumination de la conscience aussi bien que celle du monde. Elle était l’image du dispersement mental, des nuages de l’ignorance qui obscurcissaient la conscience. On n’était pas un vrai « habitant de la lumière » tant qu’on n’était pas libéré de ces nuages qui étaient engendrés par l’ignorance. De même, la vie, au sens gnostique et mystique, signifiait la lumière parce qu’on ne fait pas l’expérience de la plénitude de la vie, tant qu’on n’est pas illuminé. Si les expériences d’un individu sont d’une manière quelconque obscurcie par les sombres nuages de l’ignorance, sa vie est par conséquent limitée. La gnose, la plus grande lumière, pénètre toutes les vicissitudes de la vie et révèle chaque voie possible d’expression humaine. Cette gnose, donc, est comme un grand flot de lumière ; elle illumine toute l’étendue du chemin de la vie et révèle le trajet que l’homme doit parcourir dans son voyage.


Bien que ce concept de la gnose ait été une source d’inspiration valable à de nombreux égards, il était en opposition avec certains systèmes religieux et philosophiques contemporains. Les gnostiques, par exemple, étaient opposés au commandement de l’Ancien Testament de ne pas goûter aux fruits de l’Arbre de la Connaissance. Ils le considéraient comme un essai de suppression de la connaissance des contraires, des opposés, et en particulier de la vie morale. En fait, le serpent incitant le personnage mystique qu’était Adam à manger du fruit de cet arbre était considéré par les gnostiques comme un sage conseiller, quel qu’ait pu être son mobile secret. Le serpent, rapporte-t-on, aurait dit : « Vos yeux s’ouvriront et vous serez comme des dieux, connaissant le bien et le mal ».


Pour les gnostiques, il semblait que l’homme ne pouvait spirituellement grandir dans l’ignorance du mal, mais seulement en dépit de son existence. On éveille l’âme, non en étant ignorant du mal, mais seulement en faisant appel à ses propres qualités intérieures pour se préserver des tentations connues. La volonté morale est renforcée par le choix du bien et non le résultat d’un état vertueux dans lequel le mal n’existe pas. Les hommes doivent vouloir le bien, non comme une tradition ou comme un état naturel, mais parce que son opposé leur est connu et qu’ils le rejettent en raison de sa nature. Connaître le mal et le vaincre est plus louable que la vertu d’innocence. La gnose était ainsi également un moyen permettant à l’homme de développer un système philosophique ou spéculatif pour expliquer l’être divin et les qualités morales. La doctrine de la gnose mena également le gnosticisme à un vif conflit avec la foi, principe central des théologies contemporaines. Les hommes devaient arriver à l’unité avec Dieu non par la foi, mais par la connaissance. Ils devaient d’abord recevoir la révélation des manifestations particulières de Dieu pour ensuite, palier par palier, être attirés jusqu’à Lui. Les lois spirituelles doivent être connues. Elles ne doivent pas être acceptées seulement sur déclaration ou affirmation autoritaire. Le mysticisme soutenait une position qui, à tous égards, représentant la connaissance contre la foi.


Les principaux points du gnosticisme sont les suivants :


1 Par-dessus tout, Dieu est Pensée et, par conséquent, inconnu et inconnaissable. Il est la plénitude de l’être, ou le Plérôme.

2 Entre ce Dieu inconnaissable et l’univers visible il y a une chaîne d’êtres spirituels — une hiérarchie descendante nommée éons. Ceux-ci sont des émanations du Plérôme. Le Jéhovah de l’Ancien Testament fut l’un de ces dieux, ou éons.

3 Il y a un dualisme absolu entre le bien et le mal. Dieu a sa source dans la conscience ou la plénitude de Dieu. Le mal est inhérent à la matière. La qualité de la matière est le royaume du mal ou le monde de Satan. La rédemption ne peut survenir que par l’illumination qui descend de Dieu par l’intermédiaire des éons. Le Christ, dans certains systèmes ultérieurs de gnosticisme, est pareillement l’un de ces éons.

4 La base de moralité gnostique était l’ascétisme. Cela consistait à échapper à la matière mauvaise et particulièrement au corps, qui était considéré comme corrompu.



2.3 — DESTIN DE LA GNOSE


En Europe, du VIII° jusqu’au XIII° siècle, se développa, sous diverses formes, ce que certains ont appelé le « néo-manichéisme médiéval », comme les Pauliciens en Arménie et les Bogomiles en Bulgarie. Graduellement, des communautés Bogomiles se dirigèrent vers l’Albanie et le nord de l’Italie. De Lombardie, ce mouvement des Cathares (Cathari : Purs) se répandit sur le Midi de la France. Il fut favorisé aussi bien par les conditions politiques et sociales de l’époque que par la sclérose d’un catholicisme romain subissant les contrecoups du schisme de 1054 entre l’Église Catholique de Rome et l’Église de Constantinople.


Les liens entre le Manichéisme et les Cathares ne sont pas clairement définis. Selon Bertran de la Farge, le Christianisme cathare n’est pas une résurgence du Manichéisme. S’il y a des ressemblances, c’est qu’ils ont des origines communes. La philosophie gnostique emprunte à de nombreuses sources qui remontent à l’ancienne Égypte et doit beaucoup à la Perse et à Babylone.


Dès le XI° siècle, dans différents pays d’Europe, on commença des purges religieuses et de nombreux Manichéens furent pendus. En 1209, le pape Innocent III lança la croisade contre les Albigeois (Cathares de région d’Albi). En 1233, le pape Grégoire IX mit en place les services de l’Inquisition. On frappa aveuglément et toute personne suspecte d’hérésie était envoyée au bûcher. L’expansion cathare ne survivra pas aux coups fatals qui lui furent portés. Le 16 mars 1244 s’acheva la dernière résistance officielle de la religion cathare. Alors que leur citadelle était assiégée depuis un an, les Parfaits de Montségur étaient à leur tour livrés aux flammes. Des mystiques furent encore brûlés sur le bûcher jusqu’au XIV° siècle.


Les condamnations de plus en plus dures de la part des églises chrétiennes obligèrent les sectes gnostiques à se cacher, puis à disparaître. Malgré les répressions religieuses qui prennent diverses formes selon les époques, de sérieuses survivances de la Gnose se cachent dans la littérature kabbalistique et certaines doctrines du Gnosticisme hellénisé, sans compter la permanence et la persévérance des mouvements traditionnels.



3 — CONCLUSION


Durant ce rapide survol de l’univers de la Gnose, nous avons constaté que l’incompréhension et l’inquiétude face à l’existence sont le lot de l’humanité depuis l’éveil de la conscience. Cette angoisse a suscité de nombreuses réflexions et tentatives de réponses. La gnose est une de ces démarches traditionnelles. Inspirée par les mythologies orientales, l’ésotérisme égyptien et la philosophie, elle s’est articulée plus ouvertement durant la période chrétienne. L’ésotérisme chrétien fut la gnose, qui devait beaucoup à la pensée grecque et à la sagesse égyptienne. Le système de Pythagore est une adaptation des principes de la Cabale au mysticisme.


Les diverses pensées gnostiques répondent toutes à une recherche qui est ancrée au cœur de l’humain, et dont nous trouvons des échos à toutes les époques, aussi bien dans les cultures d’Asie, des millénaires avant le Christ, que dans le monde moderne. On peut dire qu’il y a un archétype gnostique universel, qui prend des formes et expressions diverses selon les époques et les milieux.


Les principaux écrits gnostiques présentent l’aventure de l’Humanité comme une descente de la Lumière dans la matière et insistent sur l’importance d’éveiller notre conscience pour favoriser le retour de l’âme vers le Divin. Nous rejoignons ici l’essentiel des enseignements traditionnels. En général, les enseignements des différents groupes de la Tradition mettent l’accent sur l’éveil de l’intelligence du cœur, la liberté de pensée et d’action, sur les responsabilités de chacun au regard de son évolution.


Suite à la séparation des mondes divin et matériel et à la chute de l’Homme, on peut se désoler d’être les victimes involontaires d’une absurdité qui nous dépasse ; on peut aussi s’en plaindre et se sentir immolé comme un agneau vertueux. Il est probablement plus sage d’observer nos propres comportements, alors que nous entretenons des inégalités entre les humains, polluons l’environnement ou massacrons en masse les animaux… Ne sommes-nous pas alors en train de "pervertir l’équilibre des virtualités de notre monde ?"


Toutefois, nous développons aussi notre sensibilité face à nos abus ; il y a une prise de conscience planétaire des injustices et inégalités économiques et sociales ; nous sommes plus préoccupés par l’écologie et le développement durable. Nous commençons à être sensibilisés aux devoirs de l’homme et non plus seulement à nos droits… Il y a donc un espoir de changement pour notre monde.


Le retour nostalgique vers l’univers perdu, la Réintégration, ne peuvent se faire au détriment du monde qui nous abrite ; nous ne pouvons faire l’économie de rétablir notre propre équilibre, avant de vouloir rééquilibrer « l’aventure cosmique ».


Pour clore cet exposé, je vous livre quelques lignes résumées d’un remarquable poème, « Le chant de la Perle », qui se trouve intercalé dans « Les actes de Judas Thomas » biographie apocryphe gnostique de l’apôtre qui aurait prêché en Inde. Ce chant de la Perle est l’histoire de l’âme-personnalité qui quitte le royaume où elle est née pour acquérir la perle, c’est-à-dire la gnose, la science divine, l’illumination cosmique qui lui permettra de reprendre sa place dans le Royaume de son Père. Partie « petit enfant », l’âme reviendra « homme fait ». Elle revêtira la gloire et la toge écarlate dont elle s’était dépouillée et, avec son frère, le Christ, héritera du « Royaume ».



Philippe Lassire



VOS COMMENTAIRES


J’apprécie toujours autant vos travaux et peu à peu, grâce à vous, je me forge une certaine idée d’une philosophie qui prend en compte à la fois la vie matérielle et la vie spirituelle, sans que je sois handicapée par les dogmes souvent trop rigides de l’Église pour notre époque. Par contre, mes idées restent hésitantes sur le sujet Sophia. Je vous remercie à l’avance de votre réponse et continuez à nous charmer de votre recherche philosophique.
Toutes mes amitiés vous accompagnent.


Merci, Chère Amélie de votre intérêt constant et de votre gentillesse. Je vais tenter de répondre à votre question.

Il y a plusieurs légendes sur la Sophia et je ne les connais pas toutes. Je vous livre celle dont j’ai le souvenir le plus vivace.

Selon une de ces légendes, la Sophia a une double fonction. Premièrement, elle est la divinité déchue par laquelle la lumière s’immerge dans l’obscurité. Deuxièmement, elle est aussi l’intermédiaire entre le monde supérieur et la nature spirituelle, qui s’est exilée de lui. Les gnostiques, comme la plupart des anciens et comme beaucoup de modernes, insistaient sur une division cosmique (ou conscience divine) en deux mondes : l’un étant le ciel, le royaume spirituel, l’infini, ou l’état idéal, par contraste avec l’autre, le royaume terrestre, le fini, ou l’existence mortelle. Dans leur dualité, les deux royaumes paraissent être en tel conflit qu’il semble nécessaire d’expliquer une certaine relation entre eux, de manière qu’ils ne deviennent pas complètement désunis. La Sophia représentait en quelque sorte la lumière du plérome. Lors de sa chute, elle emporta la lumière avec elle dans le monde, mais cette lumière était considérablement diminuée. Cette chute de la Sophia facilite en outre la manifestation d’une unité entre les deux mondes par ailleurs opposés. Sa lumière descendant dans le chaos fait se mouvoir ce dernier, et ainsi une connexion s’établit entre les deux royaumes — celui d’en haut et celui d’en bas. Ce fut la chute de la Sophia qui rompit l’unité du plérome, de cet état divin complexe, et nécessita la réintégration.

La divinité déchue était connue sous le nom d’autres noms par quelques sectes gnostiques. Dans le gnosticisme simonien, cette divinité la plus basse s’appelait Héléna. Ce fut dans le gnosticisme ultérieur que la divinité déchue prit le nom de Sophia, qui symbolisait la sagesse libérée. Sous de nombreux aspects, cette conception fut rattachée à la mère spirituelle, Ishtar, qui, dans la mythologie primitive de Babylone descend dans l’abîme ou elle est retenue prisonnière.

Après la descente de la lumière dans le chaos, il y eut une émanation progressive ou descente graduelle de la divinité du plérôme dans l’abîme, le royaume terrestre. Là encore, nous voyons l’effet syncrétiste des doctrines gnostiques, car elles empruntèrent cette conception aux babyloniens. Les dieux planétaires de la religion babylonienne devinrent les éons ou les émanations descendant vers le monde matériel inférieur. Éon est le nom indiquant chacune des étapes descendantes depuis le plérome jusqu’au royaume terrestre. Chaque éon est un couple de syzygies, ou opposés masculin et féminin. En d’autres termes, ils sont composés de contraires. Plus l’éon était éloigné du plérome dans sa descente, moins sa nature était parfaite ou divine. Nous pouvons voir dans que cette formation échelonnée ou hiérarchie de divinités, devint un moyen de relier les deux mondes. Il ne laissait aucun des deux indépendant, ce fut le moyen d’expliquer l’apparente dualité de l’existence.

Voilà Chère Amélie, seulement quelques éléments d’une longue thèse et j’espère que cela va vous éclairer suffisamment. En attendant, je vous adresse toutes mes amitiés.


Si une personne est vraiment interessée par le gnosticisme, et bien avant toute chose, c'est l'experience qui compte, et non la philosophie.
L'experience directe, l'intuition, la meditation sont les clés pour comprendre Pistis Sophia ou tous les manuscrits de Nag Hammadi.
Par experience directe, on peut arriver non seulement à comprendre ces textes gnostiques mais aussi et surtout à les vivre.

La Gnose a toujours existée car elle est la raison pour laquelle l'homme se pose toujours la même question : Pourquoi sommes-nous sur Terre ? Qu'y a-t-il apres la mort ? Certains en font une religion, et d'autres (les gnostiques) par experience directe arrivent à trouver des réponses. Mais pas facile, car c'est tellement plus simple de juste croire en quelque chose.

Les même histoires de l'homme et de son salut se retrouvent dans tous les côtés mystiques de chaque religion et culture, car c'est toujours ainsi qu'elle commencent et toute religion se forme à partir du spirituel. Le Sufisme, le Buddhisme, le Christianisme Gnostique etc.. etc.. tous font réference au même chemin, celui de coeur et de l'esprit.


Je vous remercie, Géraldine, de votre intéressant message et je pense que nous allons tous en profiter. Je considère, comme totalement vrai, que c’est l’expérience qui compte et non la philosophie. Encore faut-il que ce soit une véritable expérience spirituelle, au-delà des lectures et des assimilations intellectuelles. Il est alors franchi les états de la conscience objective et subjective pour entrer dans les différents niveaux successifs de la conscience spirituelle, jusqu’à l’extase pour les sujets exceptionnels. Dans le cadre de ce site, je reste volontairement au niveau philosophique, voire un peu plus, pour un public internaute dont je ne connais que rarement les niveaux d’intérêt.

De nos jours, la gnose est toujours en pratique dans certaines écoles de pensées mystiques. Selon celles-ci, la gnose peut dévoiler à l’homme sous une forme complète, comparée aux idées distinctes qui auraient nécessité d’être intégrées dans un concept. Une telle connaissance ne peut cependant pas jaillir dans la conscience sans effort de la part de l’homme. Une préparation est nécessaire pour permettre la révélation de cette sagesse gnostique. Les idées peuvent être communiquées par l’intelligence supérieure à la connaissance mortelle seulement si l’homme procède à des rites profonds et personnels en fonction de sa sensibilité. Ces rites deviennent progressivement des clés personnelles à chaque cherchant. Ils consistent souvent en des symboles, des mots, des signes, par l’intermédiaire desquels l’homme peut se mettre en rapport avec les intelligences supérieures qui lui donneront l’illumination de la gnose.

C’est seulement par l’étude et l’application d’une certaine connaissance qui lui est impartie que l’individu pourra atteindre le salut. Ceci s’oppose au principe du salut de l’âme par la seule mort de Jésus-Christ. Le salut devient ainsi une nécessité pour l’individu de s’efforcer de libérer son âme de sa servitude matérielle. L’âme doit regagner son état spirituel originel par une ascension, passant par les éons successifs jusqu’au Tout.

J’ai fait de mon mieux pour vous présenter en quelques mots cette approche spirituelle encore très actuelle qui, sur certains côtés, peut ressembler au Bouddhisme, au Soufisme et à certains ordres initiatiques, comme vous nous le signaler. Nous avons tous en nous une étincelle divine et c’est chacun d’entre nous de trouver les voies internes qui nous mèneront

Je vous remercie également de nous avoir communiqué ce site gnostique que je ne manquerai pas de visiter.

Je vous souhaite une très belle évolution spirituelle.


Je suis de formation catholique, j’ai un certain age et j’ai du mal à vous suivre dans ce que vous écrivez. Etes-vous gnostique comme ce qui est écrit ? J’ai beaucoup aimé les quelques lignes sur le chant de la perle que vous citez en conclusion, pouvez-vous m’en dire un peu plus ?


Né en France et y ayant fait toutes mes études, je n’échappe pas à un certain conditionnement, conscient et inconscient, de nature judéo-chrétienne. Cependant, lucide de cet état de fait, j’essaie constamment de faire appel plus à ma propre réflexion et à mes niveaux de conscience, que de m’appuyer, sans possibilité de vérification, sur des écrits qui ont été souvent modifiés tout au long des siècles selon les politiques humaines. Néanmoins, au plan étymologique du terme gnose (gr. gnôsis, connaissance) je reste en recherche permanente et évolutive.
À votre demande, je vais essayer de relater ci-après les principales lignes du « Chant de la perle », traduit dans notre langage actuel, avec tout ce que cela peut laisser à désirer sur les plans signifiants et signifiés. Voici le texte :

Cette perle, il faut aller la chercher en Égypte et la ravir au serpent qui la garde. Il peut paraître étrange que l’Égypte, foyer de la connaissance ésotérique représente ici le mal, ou plutôt la descente dans le monde manifesté. Mais il faut penser que les premiers Chrétiens, pour la plupart israélites, nourris de l’étude de l’Ancien Testament, ne pouvaient, de manière exotérique, se représenter ce pays comme l’oppresseur qui avait conquis et déporté le peuple élu et l’avait réduit en captivité. Quant au serpent, gardien de la perle, n’est-il pas celui qui a tenté Ève en lui permettant la « Science du bien et du mal » ?

Le jeune enfant doit donc quitter le royaume d’Orient pour conquérir la perle, pour cela, il se dépouille de sa gloire et de sa toge écarlate. Mais il ne part pas démuni pour ce long voyage. Il est pourvu d’un bagage précieux, qualifié de « grand, mais pas trop pesant pour lui », qui comporte les métaux et les pierres précieuses symboliques. Mais son viatique le plus important, c’est l’accord que ses parents écrivent dans son cœur : la connaissance parfaite inscrite dans sa conscience divine.

Son voyage est effrayant, difficile. Il traverse d’abord le port des commerçants, des marchands, puis Chouroupak et Babylone, et arrive en Égypte. Les deux gardiens qui l’accompagnaient le laisse seul. Probablement la connaissance et l’amour.

Le voilà seul, tout seul en Égypte. Il rencontre un homme de son pays, un homme libre. Le texte endommagé à cet endroit, ne nous permet pas de connaître cet oriental ; or, de ce compagnon, il ne parle plus dans le chant. Qui est-il ? Ne serait-ce pas lui-même, sa conscience objective avec laquelle il s’identifie si complètement qu’il en oublie sa propre personnalité divine ?

En effet, maintenant, il endosse le vêtement des Égyptiens « pour ne pas être malmené par eux » ; il mange leur nourriture et commence à servir leur roi, succombant ainsi au complot qu’ils ont fait contre lui. Et alors, il oublie tout : sa naissance divine, sa noblesse, la perle qu’il venait conquérir, et s’endort d’un profond sommeil.

Ses parents savent ce qui lui arrive. Pour le sauver, ils lui envoient une lettre qui, sous la forme d’un aigle, lui rappellera ce qui est écrit dans son cœur. Cette lettre est signée de son père, le Roi des rois ; de sa mère, la Reine d’Orient ; de son frère, l’héritier du Royaume (le rédempteur) et de tous les « éminents » du Royaume (les maîtres).

Alors, il s’éveille, se souvient, prend conscience de son esclavage. Il charme le serpent, s’empare de la perle. Il rejette les vêtements égyptiens et se prépare à rentrer chez ses parents vers la lumière d’Orient.

Deux envoyés de ses parents le rejoignent sur la route du retour, lui rapportent la toge écarlate et l'accompagnent. Qui sont ces deux envoyés, ces deux porteurs de trésors? Probablement, les deux gardiens du début de son voyage: la foi ou connaissanc et l'amour ou raison du cœur. Il revet sa toge de gloire; il grandit, il devient adulte.

De retour dans son pays natal, il est présenté au Roi des rois et devient le compagnon de ses nobles, c’est-à-dire de ceux qui, avant lui, ont accompli le long voyage. Il a conquis la perle unique et, suivant l’accord écrit dans cœur par ses parents, il retrouve sa gloire et devient cohéritier du Royaume avec son frère aîné.

Tel apparaît, brièvement résumé, l’enseignement du « chant de la perle ». En réalité, chaque mot, chaque symbole employé, renferment un enseignement et un sujet de méditation.

Voilà, Patricia, les éléments que je dispose sur le « Chant de la Perle » et je termine en vous souhaitant bonne méditation.


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Philippe Lassire
Philippe Lassire
Auteur du site
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