Top-Philo.fr

La pensée d'un esprit libre

  • Augmenter la taille
  • Taille par défaut
  • Diminuer la taille

LE KARMA, OU LA CAUSALITÉ PROJECTIVE (Partie 2)


Lire la première partie...

Illustration« Tous les événements qui peuvent arriver à l’homme depuis l’instant de sa naissance jusqu’à celui de sa mort ont été préfixés par lui. Ainsi, toute négligence est délibérée, toute rencontre fortuite est un rendez-vous, toute humiliation une pénitence, tout échec une victoire mystérieuse, toute mort un suicide. »

JORGE LUIS BORGES

 



1.2. — PROBLÉMATIQUE DE LA DOCTRINE


La théorie de l’acte a connu, ainsi que nous l’avons vu dans le précédent exposé, plusieurs étapes de progression, mais aussi de nombreuses versions, différentes et parfois contradictoires, ce qui rend sa présentation assez confuse, surtout lorsqu’elle est — comme ici — volontairement résumée. Cette multiplicité et ces antinomies sont typiquement indiennes, elles ne doivent pas nous masquer les qualités réelles d’une théorie en définitive très largement partagée. L’Orient, qui possède d’autres valeurs que les nôtres, considère que la contradiction n’est pas forcément révélatrice d’erreur.


Si cette multiplicité et ces contradictions existent, cependant, c’est sans doute que le karma entraîne dans son sillage plusieurs problèmes, qui — d’une part — ne sont apparus qu’au fur et à mesure du déroulement de l’histoire, et — d’autre part — sont traités différemment par les écoles de pensée en fonction de leurs sensibilités respectives.


Il paraît alors plus judicieux d’établir des critères en fonction des problèmes qu’en fonction des écoles ; le (rapide) examen qui suit envisagera donc le karmasamskâra successivement sous les angles de la morale, des niveaux d’actualisation, de l’élément akashique, de la réincarnation, du , des espèces karmiques, et de l’adaptabilité de la théorie à la pensée moderne, pour n’aborder que les principales questions… Et encore succinctement.


a) karma et morale


Les grands systèmes philosophiques ou religieux possèdent une dimension morale du fait qu’ils ont une fonction sociale, qu’ils sont d’ailleurs eux-mêmes le produit d’un phénomène social, et que la réalité sociale nécessite l’existence d’une morale. Nous avons vu, par exemple, que le stade « clérical » d’une religion correspondait à un degré d’évolution des sociétés. Ainsi, la morale religieuse tire-t-elle sa légitimité de la fonction sociale de la religion elle-même. Mais si la morale et sa dimension normative sont des nécessités, elles restent cependant relatives à la société qui les a générées. Donner à la morale une dimension métaphysique constitue une erreur ; en faire une valeur sotériologique est une escroquerie. Lachelier écrivait ainsi que « la métaphysique ne doit pas expliquer ce que condamne la morale » !


Il convient de découpler morale et karma, sans quoi on réduit la compréhension du plan universel à la simple qualification de l’acte, c’est-à-dire à l’appréciation humaine d’un phénomène. Or s’attacher au phénomène conduit au réductionnisme, alors que le karma possède une dimension irréductible : celle de la Loi, qu’on appelle divine, cosmique, universelle, etc. Nous avons constaté que l’évolution de la doctrine passe par une phase primitive (intuition de Loi), une phase cléricale (moralisation et large diffusion, avec déformation de la Loi), enfin une phase évoluée (conceptualisation et subséquemment retour vers la Loi). Il s’agit, en définitive de comprendre un mécanisme et de situer la réalité universelle dans ce cadre. Du mouvement de la plus infime particule à la sotériologie du nirvâna, la Création s’inscrit dans le seul projet irréductible, qui est celui du Créateur lui-même, et qu’on ne peut donc pas ramener à des considérations existentielles.


Le concept de « comptabilité morale à issues différées », qui est le propre des interprétations indiennes populaires, ou encore de la vision occidentale judéo-chrétienne du sujet, est donc fort éloigné d’une loi qui n’est en vérité ni plus ou moins morale que celle de la pesanteur. Ceci n’empêche pas l’utilité des règles de la vie sociale qu’elles s’expriment dans un cadre laïc ou religieux, mais dans leurs buts et leurs conséquences (ou les conséquences de leur violation) doivent être laissés à leur place, qui est celle de l’ordre social ou clérical. La « loi de l’acte » n’obéit pas — comme nous le souhaiterions parfois — aux principes des hommes.


À travers les diverses traditions que nous avons signalées et sous des habillages tantôt narratifs tantôt spéculatifs, il apparaît une constante que l’on peut définir ainsi : le karma est l’action de la volonté créatrice, la vérité dynamique du projet créateur, qui s’exprime à tous les niveaux de la Création (comme le fait l’énergie universelle elle-même). L’identité de l’âme humaine et du Créateur (âtman/Brahman), et l’analogie micro-macrocosmique, montrent l’homme en tant qu’agent de la Création et la personnalité humaine comme une forme instrumentale de cette parcelle du principe créateur. En vertu de son universalité, l’homme exprime — mais aussi construit — l’acte de création. Il participe à (et de) la divinité dans un mouvement continu de « devenir », telle une cellule active de la causalité en marche.


Ce double statut de produit et de producteur peut sembler ambigu, mais il permet de comprendre que la liberté de l’homme en tant que producteur d’action s’inscrit dans le cadre — donc dans les limites — des lois universelles qui régissent les produits de l’acte créateur, produits dont l’homme fait partie. Ces lois ne sont pas morales, bien entendu, mais si l’on donne à ce terme son sens général « d’ensemble des règles qui concernent l’action », alors on admettra — avec Pascal — qu’il s’agit d’une morale qui se moque de la morale.


b) — Les différents niveaux d’actualisation du karma.


La loi de l’acte connaît donc plusieurs niveaux d’expression, qui correspondent aux manifestations de la création : inorganique, organique, mental et spirituel ; ceci nous ramène à la division — qui nous est familière — de la matière et de l’esprit.


a) Le niveau matériel inorganique est régi, comme nous le savons, par les lois physiques de l’univers, lesquelles démontrent amplement l’analogie du macrocosme et du microcosme de la particule élémentaire à la galaxie. La matière qui compose notre corps se trouve évidemment soumise à ces lois impersonnelles qui ne postulent aucune morale et sont utilisables quel que soit le contexte éthique : elles sanctionnent l’ignorance, jamais le vice, pas plus qu’elles ne récompensent la vertu. L’acte accompli dans ce cadre est toujours ramené de la fonction de maintien de l’équilibre dans l’univers, soit par construction, soit par destruction, ce qui fait naturellement penser à la trinité hindoue Brahma-Vishnu-Shiva (création-préservation –destruction).


b) Le niveau matériel organique obéit aux lois du monde des autres vivants, qui ont pour fonction principale la préservation de la vie. Tout aussi étrangères à la morale que les lois physiques, les lois du monde biologique amènent souvent un être à en absorber un autre, puisque la nécessité première des organismes vivants est la nutrition. Cette tension vitale entraîne un schéma d’évolution dans lequel s’inscrit la conscience, cette dernière ne pouvant se définir que par rapport à l’action. Il s’agit d’une conscience fonctionnelle de survie, de croissance, de reproduction, d’une auto-conscience. L’acte est toujours accompli dans cette perspective, qui est celle des processus biologiques, et ses conséquences sont conformes aux exigences vitales : absorber, être absorbé ; là encore on remarque le schéma création-préservation-destruction.


c) Le niveau mental correspond à une évolution du niveau précédent qui — à travers des seuils de complexification — parvient à un stade de volonté consciente. En constatant la relation des causes et des conséquences, « l’être mental » cherche à en utiliser les lois. C’est la faculté de connaissance qui détermine l’acte volontaire. Ce niveau auquel on a souvent tendance à limiter le karma alors que celui-ci existe déjà — en tant que « loi de l’acte » — aux autres niveaux, introduit davantage une notion de dynamique qu’une notion d’éthique. La connaissance permettant l’action, l’être mental recherche la connaissance parce qu’il est poussé à l’action. Les lois du niveau mental ont donc pour fonction l’acquisition de la connaissance en vertu de l’équation « connaissance = action ». La parabole de la Genèse dit suffisamment l’importance de la transition qui s’opère par l’effet de ce mécanisme !


Jusque-là, les opérations de la causalité universelle constituaient un système d’automatismes. À partir du stade de la connaissance, le terme d’action change de contenu ; il existe un potentiel de karma manipulable par l’être en fonction de sa connaissance et de sa volonté. C’est le problème du libre-arbitre, le domaine des qualifications morales, la découverte du dharma (la Loi), et d’un point de vue ésotérique, c’est la faculté de progression de l’être par voie de résistance. Il y a résistance de l’être aux voies cosmiques, mais aussi résistance de ces mêmes lois à l’action de l’être, ce qui laisse croire à l’ignorant qu‘il fait l’objet de malédictions « karmiques ». Les concepts de destin, d’adversité, de punition, de rétribution, de « dette karmique » ne sont que des interprétations maladroites — et falsifiées par le mental limité — de la seule vraie morale : la rectitude de la Loi, vis-à-vis de laquelle nous créons soit une force d’adhésion soit une force de résistance.


Plus il y a de connaissance, plus il y a de capacité d’action, donc de karma. L’être mental est donc naturellement poussé à la progression de la connaissance et à l’élargissement de ses capacités d’action, jusqu’à ce que la connaissance en arrive au point où elle n’entraîne plus que des actes d’adhésion à la Loi, donc des actes conformes à la direction du karma créateur. Car si le projet initial se trouve dans l’acte de Création, il se trouve aussi enfoui dans la parcelle divine de la créature, laquelle accomplit la Loi comme un impératif de sa propre nature, lorsqu’elle en possède la connaissance. C’est pourquoi la tendance générale du niveau mental est l’acquisition de la connaissance, nécessité génétiquement infuse dans l’homme.


d) Le niveau spirituel semble parallèle aux trois autres, avec lesquels il entretient une dialectique discrète. Nous avons pu constater jusqu’à présent une progression de la vie dans l’univers créé ; on doit ajouter une progression de la conscience, cette dernière allant de pair avec la complexification des organismes vivants. La conscience et son accroissement sont les aboutissements naturels de la connaissance, l’énergie universelle tend vers la spiritualité, et l’ensemble de la Création converge vers un sommet de conscience spiritualisée, ce projet créateur s’opérant à travers la dynamique de l’ensemble des créatures. On peut même se demander si la conscience n’est pas une fonction de la causalité, ou si action et conscience ne s’impliquent pas réciproquement.


L’analogie micro-macrocosmique tend vers l’identité, le Créateur et la Création deviennent interdépendants, le karma (ou acte) créateur revenant alors sur lui-même, contemplant sa propre image, augmentée de la conscience crée par le karma de la Création. Autrement dit, la loi du niveau spirituel a pour fonction l’évolution de la conscience, mais à travers les myriades de consciences individuelles c’est la conscience universelle qui évolue, la divinité se « développant » dans et par sa Création.


Cette action en marche, ce karma universel, se déploie sur les différents niveaux de façon simultanée, multiple, tel un complexe en mouvement, mais en mouvement multiforme. C’est l’action du Créateur qui opère, y compris par ses créatures interposées, selon un projet inexorable. La perfection que l’on croit déceler dans les modèles inorganiques ou organiques n’est finalement qu’une approximation d’un karma (ou acte) plus grand encore lorsqu’il s’exprime dans le domaine mental, lequel n’est lui-même qu’un dérivé de la perfection spirituelle dont il est à la fois le produit et le producteur. La Création est la fois produite par — et productrice de — la divinité dont elle dérive et en même temps qu’elle fait croître. C’est une réalité complexe, mais qui ne doit pas nous échapper.


c) — Karma et âkâsha


Pourquoi ce rapprochement incongru, va-t-on penser, entre l’acte et l’élément Éther ? C‘est que ce dernier est considéré un peu (en tant que forme de potentialité du vide) comme le continuum espace-temps de la science, ou le tissu maintenant la cohésion cosmique si l’on veut, à ceci près que la science n’y inclut pas le facteur conscience alors que la tradition de l’Inde identifie conscience et âkâsha. Le domaine métaphysique de l’âkâsha — sujet passionnant — est assez controversé ; les interprétations des différentes écoles divergent à son sujet, aussi resterons-nous sur un plan général. L’âkâsha est les supports des manifestations subtiles (car il est plus subtil que l’élément Air) comme le son, par exemple, mais aussi les projections des actes, ce qu’on appelle souvent les « archives akashiques ».


L’acte suit un double parcours : créant ce qu’on appelle un samskâra, il s’inscrit immédiatement dans l’âkâsha et alimente ainsi la réserve universelle laquelle fonctionne comme une mémoire ; deuxièmement, ce samskâra constituera un antécédent qui entraînera lui-même un conséquent (couramment désigné sous le nom de « rétribution » karmique, bien que le mot soit déplaisant car péjoratif). Le circuit du karma présente donc toujours à la fois un aspect contributif (par augmentation de la conscience universelle) et un aspect rétribution (par application de la loi de causalité) Ces deux voies sont inséparables et complémentaires, puisque la « mémorisation » de la cause constitue le stade intermédiaire indispensable au déclenchement de la conséquence, et que — de son côté — la conséquence entraînera un autre karma (un autre acte) qui alimentera à nouveau la mémoire de l’âkâsha, et ainsi de suite…


La conscience universelle se constitue donc tout en établissant le karma, et réciproquement, de telle façon qu’on peut parler de « circuit spiral » d’un consortium karma-âkâsha, dont la synergie poursuit la perspective d’une « convergence de perfection » du microcosme et du macrocosme. Dans cette convergence se situe la cohérence de la Création.




d) Karma, réincarnation et samsâra


On doit sauvegarder la différence — subtile mais essentielle — entre le samsâra, qui implique une notion de continuité d’expérience, et la réincarnation, qui constitue un phénomène cyclique. D’un côté on a une perspective, de l’autre un instrument : la réincarnation est dépendante du samsâra, et non l’inverse. On passe généralement par-dessus la nuance, pourtant — pour ce qui est du karma — elle a son importance.


D’autre part, rappelons que c’est le karma qui conditionne le samsâra, donc la réincarnation ; ceci doit être souligné car on entend parfois affirmer le contraire, ce qui constitue une aberration. Le samsâra est un flux (son étymologie comporte l’idée de « couler »), une sorte de principe de maintien dans les liens ou de logique d’incarcération, dans lequel l’homme s’enferme lui-même par l’effet de l’illusion et la faute de l’ignorance ; la réincarnation, elle, constitue la manifestation cyclique — donc un mouvement — liée au samsâra. La réincarnation est un peu la sinusoïde dont le samsâra représente la direction.


Les textes sont muets quant à l’origine du samsâra, mais s’accordent à présenter sa cause comme étant l’ignorance (ce qui laisse à penser que le samsâra est lié à la nécessité d’alimenter la conscience universelle par le biais de la mémoire de l’âkâsha). La réincarnation, elle, est plus directement liée à l’acte et au système de causalité qui s’y rattache. Mais dans la pratique, c’est l’abandon par l’homme de son statut d’agent karmique qui le libère du samsâra, et par voie de conséquence du cycle des incarnations. Autrement dit, il faut abandonner toute préoccupation de causalité pour s’affranchir à la fin du karmanirvâna et du samsâra, et l’on débouche alors sur le concept du .


L’acte est une entité qui dépend d’un agent : son auteur. Il ne possède pas en lui-même de nature autonome. Il ne « naît » pas à proprement parler, de sorte que la Madhyamakavritti a pu dire que si le Bouddha affirmait que les actes ne périssaient pas, c’est parce qu’ils ne naissaient pas. Pour que l’acte naisse, il faudrait qu’il existe en soi, et alors il serait éternel. Mais, s‘il était éternel, il ne serait jamais « accompli », et l’homme en supporterait la rétribution ou en tirerait les bienfaits sans avoir agi, ce qui reviendrait à envisager des conséquences sans cause. C’est absurde ! On peut en tirer la même conclusion en partant de l’affirmation selon laquelle l’acte survit à sa commission : s’il existe après avoir été accompli c’est qu’il existait aussi avant, par conséquent il est éternel et n’est pas « accompli ».


On en conclut à l’inexistence de l’acte, ou du moins à l’illusion de l’agent. Passer par-delà cette illusion conduit à la délivrance. Ceci, toutefois, constitue l’interprétation bouddhiste. Dans l’hindouisme, c’est la réalisation de l’identité âtman/Brahman qui est la condition de la libération. Mais n’est-ce pas, dans les deux cas, reconnaître que l’homme n’est que l’agent par procuration d’un acte qui en réalité le dépasse de loin, que seul le karma transcendant constitue l’acte véritable, et que le reste n’est qu’illusion ? N’est-ce pas admettre que la seule issue pour l’homme réside dans l’adhésion à « l’acte universel ».


e) Le samskâra, « engramme » du karma


Si l’acte divin résulte directement de son énergie propre, l’acte de la créature — acte au second degré, pourrait-on dire ! — repose sur des causes apparemment plus confuses, de même que la perfection du « karma divin » est manifeste aux niveaux organiques tandis que le niveau mental traduit la disparité et les approximations de l’acte humain, par définition perfectible. Cet acte humain s’exprime, comme nous le savons, par la pensée, la parole, et l’action corporelle, modalité triple qui se rattache pourtant à une seule fonction : la volonté. L’acte est d’abord volition (chetanâ), donc usage de la volonté. Là où cette volonté est parfaite et pure dans le cas de l’acte divin, elle est assombrie par le voile de l’ignorance et de l’illusion dans le cas de l’acte humain.


Le mano-karma (acte de pensée) est l’expression directe de la volonté. Le vâchi-karma (acte de la parole) et le kâya-karma (acte corporel) ne sont que des dérivés de l’impulsion du mano-karma. L’énergie de cette impulsion initiale ne disparaît pas : elle se transforme en une entité conséquente, quelle que soit la forme (mentale, verbale, ou corporelle) qu’ait prise son expression. L’énergie initiale subsiste donc sous l’aspect de ce qu’on pourrait appeler un « résidu karmique » qui va incrémenter la série du karma : c’est le samskâra. Celui-ci est la résultante directe de l’acte, qui s’inscrit dans l’âkâsha à la fois en tant qu’élément d’accroissement de la conscience universelle et en tant qu’agent de causalité. C’est exactement ce qu’exposent les enseignements rosicruciens lorsqu’ils affirment que « chacune de nos pensées, de nos paroles, et de nos actions, s’inscrit dans la mémoire universelle et devient une cause ».


L’acte n’est donc pas accompli pour lui-même mais dans le cadre d’un processus général de causalité projective. Le samskâra est à la fois mémoriel et générateur en ce qu’il contient le souvenir de la cause et la tendance à produire la conséquence ; c’est un peu l’engramme du karma, lui-même cause et conséquence de la dynamique qui préside à la création. Existe-t-il un moyen d’échapper à ce cercle, dans lequel les causes produisent immanquablement d’autres causes ? C’est là un fascinant problème que se pose à l’homme, une spirale dont la dimension nous échappe, et qui conduisit le Bouddha à poser l’extinction du désir de vivre en nécessité sotériologique. On n’aurait pas la prétention d’en donner ici la solution…


f) Les trois espèces du karma


En résumé, l’acte humain (mental, verbal, ou corporel) — situé dans le cadre plus général du karma à quadruple niveau de la Création — produit un samskâra ou engramme qui amplifie la conscience universelle en infiltrant simultanément un nouvel élément de causalité, sous forme de conséquence… Donc d’un autre acte. Mais un autre acte ne signifie pas obligatoirement un acte futur ni un acte personnel, et là les choses se compliquent vite : en effet, il convient de considérer la causalité dans l’absolu et non pas au travers de l’axe de la temporalité ou de celui de la conscience individuelle, deux limitations spécifiques au plan phénoménal, mais qui n’ont aucune réalité au-delà.


On doit à la pensée vedantiste advaitiste l’explication du mécanisme de la rétribution, ou pour rester dans la neutralité morale (et comptable !) celui de la conséquence (Il ne faut pas systématiquement assimiler conséquence et compensation, deux termes qui ne comportent pas les mêmes connotations). Sur ce point, la doctrine de l’advaita-vedanta s’est largement répandue, et a fait l’objet de maints commentaires tant en Orient que de la part des orientalistes occidentaux. Elle propose une tripartition du « karma conséquent » :

a)prârabdha (littéralement : commencé). Il s’agit des éléments de causalité déjà activés, dont la manifestation sous forme conséquente doit se produire à l’intérieur de l’incarnation présente.

b)sañchita (littéralement accumulé). Ce sont les éléments de causalité non encore activés, dont la manifestation demeure en attente. On pourrait dire que ce sont des samskâra en sommeil.

c)âgâmin (littéralement : à venir). Ce sont les éléments de causalité qui seront formés dans l’incarnation présente et dans les suivantes. Nous sommes donc en présence d’un stade « pré-causal » du karma, dans « l’existence » en tant que telle pose un problème logique. En effet, ces « antécédents futurs » ne peuvent être comptés parmi les samskâra que si l’on se place au-dessus de l’axe temporel dans le cadre d’une causalité en soi.


Ces trois espèces du karma sont complémentaires ; la première se soustrait de la seconde, à laquelle s’ajoute la troisième.


Pour employer une métaphore juridique, on peut dire que l’acte humain, s’il emporte une réalisation immédiate sous son aspect contributif, est soumis à une condition suspensive sous son aspect rétributaire. Cette condition, nécessaire à la survenance de la conséquence, est l’adéquation entre l’aspect tendanciel du samskâra (qu’on appelle klesha-vâsanâ) et une situation favorable à sa réalisation. Autrement dit le samskâra est un point d’un triangle, nécessitant la présence d’un second point pour former une manifestation sur le troisième point.


Nos actes constituent à la fois les causes et les conséquences des actes d’autrui ; nous subissons donc les conséquences des actes d’autrui (ou nous en bénéficions, c’est une question d’appréciation). Le karma échappe à la personnalisation, de la même façon que la Conscience Universelle — dans l’âkâsha — se développe globalement, sans considération personnelle.


Quelle que soit la conception que l’on puisse avoir au sujet de l’entité qui fait l’objet de la conséquence, celle qui tirera profit — ou perte — de l’action, qu’on l’appelle une personnalité en évolution, une âme, ou même une série « d’agrégats » comme certaines écoles du bouddhisme, ce qui semble certain c’est l’inéluctabilité de l’accomplissement. Le Bouddha lui-même proclamait que « les actes ne périssent pas, même après des centaines de millions de périodes cosmiques ». L’énergie créatrice initiale se transforme en action, l’action se transforme en samskâra, le samskâra se transforme en action conséquente qui se transforme elle-même en un autre samskâra, et ainsi de suite… Selon un processus qui respecte les lois de conservation de l’énergie.


g) Adaptabilité de la théorie du karma à la pensée moderne


S’il n’existe qu’une loi du karma, nous devons admettre qu’elle suscite plusieurs théories. De même qu’il est impossible d’isoler une source de la doctrine du karma dans l’espace ou dans le temps, les contributions tribales, dravidiennes, védiques, âjîvaka, jaïnes ou bouddhistes étant quasi inextricables force nous de constater qu’il existe, non pas une, mais plusieurs doctrines, le pluriel paraissant avoir régné dès l’origine jusqu’à nos jours. Ceci est d’ailleurs caractéristique de la pensée indienne. De plus, la théorie du karma comme celle de la réincarnation, n’a pas connu une évolution linéaire, mais un parcours complexe. Enfin, et en dépit de toutes les querelles ou interprétations doctrinales que le karma a pu faire naître, il faut reconnaître que le fossé le plus grand est sans doute celui qui sépare les spéculations des érudites des croyances populaires.


Ceci est vrai en Orient comme en Occident, mais les religions occidentales n’ont souvent fait qu’éloigner les chercheurs sincères des vérités que l’Orient pouvait véhiculer, en se réservant le domaine de la spiritualité par le biais d’interdits et de considérations calomnieuses. C’est ainsi que les théories du karma et de la réincarnation, en particulier, ont été volontairement déformées afin de leur donner une apparence simpliste et ainsi de mieux les tourner en dérision. Elles ont été vidées de leur contenu ontologique et ramenées à une dimension strictement éthique par les théologiens d’hier comme ceux d’aujourd’hui.


Ce sujet nécessiterait des développements très détaillés mais c’est un fait que les religions ont occulté de grandes vérités, parfois — il faut être juste — avec l’intention de protéger le peuple contre ses propres interprétations, qui risquaient de le fourvoyer dans une direction dangereuse. Nous savons fort que la connaissance ésotérique et la connaissance exotérique possèdent chacune leur justification. Mais la rétention de la connaissance peut aussi s’exercer de manière illégitime, alors elle devient coupable.


Nous avons laissé de côté les différences d’interprétation entre religions, ou entre courants différents d’une même religion, laissant à chacun le soin de vider ce débat avec sa propre conscience, mais il est évident que la notion d’âme, par exemple, admise par l’hindouisme et réfutée par le bouddhisme, nourrit abondamment le domaine des polémiques concernant la problématique du karma. Dans l’hindouisme, c’est l’âme qui — au-delà des incarnations — donne à la conscience un caractère de continuité ; dans le bouddhisme, c’est le karma. Bien d’autres thèmes n’ont pu être ainsi abordés, afin d’éviter la controverse religieuse. Mais qu’on se rassure, il est toujours bien plus enrichissant d’observer les similitudes ou les convergences.


La tradition, véhiculée par l’A.M.O.R.C. (mouvement philosophique, initiatique et traditionnel mondial, non religieux, non sectaire et apolitique, ouvert aux hommes et femmes sans distinction de race, de religion ou de position sociale.), est naturellement — comme toutes les traditions — quelquefois mal comprise, ou encore simplifiée. Cependant elle rejoint la grande conception du karma, ce qui est rarissime en Occident et — en tout cas à notre connaissance — unique parmi les organisations initiatiques de nos pays. Elle a, ce faisant, opéré une synthèse. La loi de causalité y est bien connue, et la base de la théorie du karma — telle qu’elle est contenue dans les deux premiers états de la doctrine (primitif et éthique) — ne devrait rebuter aucun membre de l’A.M.O.R.C. Quant aux développements ultérieurs, qui constituent le troisième niveau, ils se trouvent distillés au fil des enseignements de l’A.M.O.R.C., témoins d’une connaissance élevée et d’une inspiration puissante. La conception de l’A.M.O.R.C. reprend le thème fondamental de la liaison structurelle entre le domaine de la causalité karmique et le domaine akashique, sans lequel la théorie du karma perd à la fois sa substance et son universalité. La plupart des interprétations occidentales (dont — on s’en doute — la totalité des interprétations sectaires) n’ont pas compris ce point capital, ce qui suffit à les disqualifier du point de vue traditionnel, et leur ôte du même coup toute crédibilité… Sauf aux yeux des ignorants et des crédules. Notons aussi que l’A.M.O.R.C. se rattache également à la distinction traditionnelle entre les actes s’exprimant par la pensée, par la parole, ou par l’action corporelle.


L’acte humain considéré comme dérivé de l’acte du Créateur, voici une doctrine qui ressort clairement de la théorie du karma, mais qui se retrouve dans notre conception de l’homme à l’image du Dieu, l’homme théomorphe ; l’identité âtman/Brahman de l’hindouisme n’est finalement pas autre chose.


Aucune théorie émanative ne peut accepter l’idée du hasard : si l’univers est constitué d’une série d’émanations de son Créateur, comment pourrait-on admettre qu’une quelconque indétermination s’insère dans le cours de son développement ? la théorie du karma nous fournit une alternative au hasard : c’est la Loi. « La Loi est l’essence de l’action. Tous les événements de la nature sont en action. Cette action est inhérente ». Voilà qui représente une avancée considérable dans la compréhension du karma : l’essence de celui-ci est la Loi Cosmique.


« Je ne peux concevoir d’action qui soit une force libre. Elle doit être liée à quelque chose que l’on dit être en action ». Le problème se pose de la relation entre la Loi Cosmique et le Karma en action. « Quelle est donc la substance première : la Loi Cosmique ou l’action ? ». L’action apparaît fondamentalement comme mouvement, tandis que la Loi Cosmique semble être une cause immobile du processus du karma. Mais la Loi Cosmique n’est pas un état de l’univers, c’est une perspective dynamique ; seules les limitations de nos perceptions et de notre mental nous font croire à un univers statique, car nous ne mesurons le mouvement qu’au moyen du boisseau illusoire de la temporalité.


Ce que nous ne pouvons mesurer en temps nous apparaît statique, comme un disque tournant à grande vitesse ou au contraire à vitesse trop lente. « Nous mesurons l’action universelle ou cosmique d’après l’illusion de notre conscience, c’est-à-dire le temps ». Nous ne pouvons prendre conscience des mouvements trop lents ou trop rapides pour que notre perception les appréhende, et les interprétons par conséquent comme des immobilités ; mais c’est oublier que la matière — comme l’esprit — sont des mouvements donc des conséquences d’un karma (d’une action) avec lequel elles entretiennent des relations constitutives. Tous ces grands piliers de la compréhension du karma se retrouvent dans les enseignements rosicruciens.


Les voies du karma peuvent-elles être détournées par l’homme ? Non, pas plus qu’une autre loi naturelle ne peut être détournée de sons cours. Mais tout en restant dans son cours, une loi naturelle peut être utilisée par l’homme selon la volonté de celui-ci, lorsqu’il en connaît le fonctionnement ; c’est même l’une des vertus de la connaissance. Il existe ainsi des processus permettant — non pas de se soustraire au karma — mais d’utiliser la Loi pour se libérer du cycle des incarnations.



2. — LA CAUSALITÉ PROJECTIVE ET CONCLUSION


En conclusion de cet entretien, nous dirons que l’âme individuelle (ou âme-personnalité) est un segment de l’âme universelle, et possède donc une nature identique. L’âme est une essence qui imprègne l’homme, le relie à l’énergie créatrice, et dont le projet pourrait bien être d’opérer la transmutation de l’énergie initiale en énergie auto-consciente : c’est alors l’essence de l’âme qui pousserait chaque homme à se rapprocher d’elle, graduellement par constant mouvement d’élévation.


Si cette mystérieuse intelligence qu’Einstein reconnaissait dans l’univers a pu faire évoluer la matière vers des niveaux de complexité qui finissent par révéler la conscience, c’est que le dessein de la création passe précisément par cet état qu’est la conscience. Si l’âme individuelle pousse toujours l’homme à cette dérive vers le spirituel, c’est qu’en tant que partie de l’âme universelle ce segment individuel est littéralement « programmé » pour cela. Si l’âme individuelle, porteuse et gardienne du projet créateur en l’homme, pousse ce dernier à l’accomplissement des actes, c’est que l’âme — en tant qu’entité universelle — a besoin de conscience, et qu’action et conscience s’impliquent réciproquement. C’est pourquoi l’on doit qualifier l’acte non pas selon des critères moraux de bien ou de mal, mais selon un critère général d’adéquation à la direction qu’indique la flèche de la création. C’est cette flèche ou cette direction qui constitue le fondement de la Loi, cet impératif cosmique que l’Inde appelle Dharma.


Mais le Dharma est aussi une énergie, autrement dit qu’il existe une « force de la Loi ». Le Dharma s’impose comme une véritable « direction » selon une double acceptation du mot : celle d’une « orientation » et celle d’une « impulsion ». La force de la Loi constitue d’abord l’expression d’une énergie de volonté, ou compréhensible comme telle, puis la Loi s’accomplit par les énergies d’activité et de connaissance. Cette triple impulsion représenterait le premier moteur au sens aristotélicien du terme, et elle imprégnerait l’âme individuelle comme l’âme universelle.


En conséquence, sans vouloir poser en préalable l’existence d’une personnalité permanente de l’homme — ce qui reviendrait à écarter purement et simplement les théories bouddhistes — il est possible d’admettre la réalité d’un être intérieur en évolution, donc permanent, doué d’un potentiel d’activité, de connaissance et de volonté. Ces trois qualités sont d’ailleurs attribuées au créateur par l’hindouisme, et l’on remarquera que face à une divinité en voie de réflexion (qui se trouve réfléchit sur elle-même) dans l’œuvre de la création, on trouve parallèlement une humanité en voie d’évolution, et une conscience universelle en voie d’amplification, ces différents processus étant consommateurs d’œuvre, d’acte, donc consommateurs de karma.


Les invariants de la condition humaine poussent irrésistiblement l’homme à transformer son milieu, à transmettre, à communiquer, bref à produire, donc ces invariants poussent à l’action. Cette dynamique innée semble inscrite dans l’ordre même de la création.


Tout acte — s’il entraîne une conséquence — résulte aussi d’une cause : besoin d’activité, de connaissance, ou manifestation de la volonté, qu’il s’agisse de l’acte du créateur ou de celui de la créature. Pour le Créateur, le karma est l’instrument de son projet, pour la créature, il est celui de sa propre évolution ; la créature accomplit le projet du Créateur à travers une suite d’actes, dont les conséquences s’inscrivent autant dans la progression de l’entité créée que dans la réalisation de l’entité créatrice, le tout par le canal de l’âkâsha ou élément éthérique dont la « plasticité » — « l’élasticité » pourrait-on dire — permet cette extension ;

On peut admettre qu’il n’existe pas de « personnalité stable », mais des séries d’actes, des « séries de karma » imputables aux projections microcosmiques en voie de réflexion, en voie de convergence, que nous sommes les uns et les autres. Les séries d’incarnations de l’homme — pour ne point parler des autres créatures vivantes, ce qui compliquerait le sujet — ne doivent pas être considérées de façon anthropocentrique. Mais dans la relation qu’elles ont pour fonction d’établir entre les actes et leurs conséquences ; la réincarnation constitue le mode de progression de la série karmique : elle entretient la relation entre l’acte et sa conséquence, dans la mesure où cette dernière ne peut pas systématiquement s’inscrire dans la même existence que celle où l’acte est intervenu.


La création est le projet de la divinité, mais aussi sa projection, à la fois cause et conséquence, l’effet existant déjà ici dans sa cause. Le karma est donc le système d’accomplissement de la création pour une causalité doublement projective, ou projective au double sens du terme si l’on préfère (celui d’une projection et celui d’un projet) ; c’est également une explication de la solidarité entre créateur et créature, ce que le christianisme interprète comme une relation d’amour, l’islam comme une relation de soumission, le judaïsme comme une relation de filiation élective, etc. Parallèlement, on comprend qu’il existe une solidarité des créatures vis-à-vis du projet créateur, dont elles constituent l’instrument collectif d’accomplissement.


C’est pour cette raison que la divinité est incorporée dans chaque être sous la forme de l’âtman (« absolu » ou « âme »). L’âtman n’est pas en lui-même concerné par les samskâra, lesquels n’affectent que le corps subtil et la psyché, pas le Soi. L’âtman constitue la référence divine, et en tant que tel n’est pas affecté par le karma.



VOS COMMENTAIRES


Cher Philippe,

Après ces années qui me paraissent un pan l’éternité, je te retrouve enfin au travers d’une écriture philosophique particulièrement intéressante, alors que je te connus jeune officier de marine lors d’une croisière dans le golfe du Mexique. Certes, à la suite de mes impératifs familiaux, nous dûmes nous séparer à ma demande, mais sache que ton souvenir resta et reste toujours vivace en moi. Je suis ravie que les idées, que nous échangeâmes alors, aient perduré et fassent maintenant partie intégrante de ta culture. Dans cet article sur le karma, j’ai retrouvé quelques éléments de nos longues discussions, tu sembles avoir dépassé le stade du clan pour t’acheminer vers l’universalité de l’être.

Si tu le peux, j’aimerais que tu écrives prochainement quelque chose sur le tantrisme, également objet de nos longues discussions.
Ma pensée t’accompagne.


Chère Princesse Tara,

C’est avec beaucoup d’émotion et de joie que je découvre ton message après ces décennies de silence. Cependant, silence ne veut pas dire oubli et j’ai toujours gardé en mémoire nos discussions et bien d’autres choses. Il est décent, dans le cadre de ce site, de ne pas nous étendre sur nos souvenirs communs et je te donne rendez-vous soit au téléphone, soit par email pour mieux les évoquer. J’ai bien noté ta suggestion sur le tantrisme et je vais essayer d’y répondre. À ce sujet, Je me souviens encore d’un des messages tantriques :
« Il n’existe dans tous les univers, visibles et invisibles, qu’une seule et même puissance, sans commencement, sans fin, sans autre loi que de réaliser le Destin. La Mort et la Douleur sont les navettes de son métier, l’Amour et la Vie en sont les fils. — Mais n’essayez pas de mesurer l’Incommensurable avec des paroles, pas plus que de plonger la corde de la pensée dans l’impénétrable : celui qui interroge se trompe, celui qui répond se trompe — N’attendez rien des Dieux impitoyables, eux-mêmes soumis à la loi du Karma, qui naissent, vieillissent et mesurent pour renaître, et ne sont pas arrivés à rejeter leur propre douleur. Attendez tout de vous-même. En n’oubliant pas que chaque homme crée sa prison, que chacun peut acquérir un pouvoir supérieur à celui d’Indra lui-même ».

À très bientôt, ma pensée t’accompagne également.


Je vais lire vos textes avec attention --- mais j'aimerais bien avoir plus d'explications à propos de l'avant-dernière phrase . "L'âtman n'est pas en lui-même concerné par les samskâra, lesquels n'affectent que le corps subtil et la psyché, pas le Soi".
Vous pouvez communiquer avec moi à mon adresse de courriel qui est:
ayurclub@hotmail.com


Bonjour Louise,
je suis ravi que vous soyez intéressée par mes écrits. Je suis étonné que cet article (en deux parties) captive autant de gens. Je vais essayer de vous répondre au mieux pour la phrase qui vous interroge.
Âtman : en sanskrit c’est l’âme individuelle de même nature que le Brahman et infime fragment de Lui. Un équivalent existe dans nos traditions ésotériques sous le nom d’âme humaine ou l’Être spirituel (entre autres), son niveau de conscience est nommé le Soi. C’est notre divine contrepartie qui nullement besoin d’être développée et ne peut être développée. L’Être spirituel est la Conscience Cosmique, l’Intelligence Cosmique en nous, et il constitue la plus haute partie de notre être, en complément de la partie physique et objective. Il ne rentre pas dans les attributions de l’homme de développer d’ajouter ou de soustraire quoi que ce soit à sa nature divine, c’est-à-dire à l’être spirituel. Celui-ci est Divine Réalité qui est, par conséquent, infinie, omnipotente, omnisciente, omniprésente. Il entre dans l’enfant à la naissance au moment de la première respiration. Dans la tradition populaire, on l’appelle l’ange gardien.
Samskâra : Dans la psychologie du vedânta ou du yoga, l’on admet que l’être subsiste en tant que « corps subtil » (sûksma-sharîna), ce dernier étant imprégné des résidus des actes accomplis précédemment et que l’on nomme sanskâra. Ce sont comme des engrammes qui survivent à la mort du corps physique et incitent le corps subtil à se diriger vers telle ou telle forme d’incarnation dans laquelle ils pourront se manifester.
Dans le concept de la réincarnation c’est l’âme-personnalité (à ne pas confondre avec l’âme humaine) qui se réincarne autant de fois qu’il est nécessaire pour se débarrasser de toutes traces des sanskâra. On peut présumer que l’âme-personnalité est en apprentissage sur cette terre et peut-être après dans d’autres dimensions, pour aboutir à la perfection de son être.
J’espère avoir répondu à peu prêt correctement à votre question. Je vous souhaite bonne réflexion et je prendrai contact avec vous par courriel, comme vous me l’avez suggéré.


Envoyer un commentaire

Philippe Lassire
Philippe Lassire
Auteur du site
top-philo.fr



W3C/XHTML      W3C/CSS