Que sait-on généralement de la loi du karma ? Pour le grand public, il s’agit d’un destin aveugle, poursuivant l’individu un peu comme une ombre, parfois bienveillante, mais souvent redoutable. L’étudiant des doctrines traditionnelles y voit plutôt une application de la loi de cause à effet. Ce n’est plus alors une fatalité, mais un principe universel que l’homme peut utiliser, avec son libre-arbitre, pour son bonheur ou son malheur, selon la nature de ses propres actes.
Pourtant, les secrets du mécanisme entraînent beaucoup plus loin ; ils ne tiennent pas tant à la conséquence des actes qu’à l’acte lui-même, sous ses multiples dimensions. Comment ce principe a-t-il évolué au cours de l’histoire, et quels en sont les différents aspects ? Cette double question constitue le sujet du livre — Le Karma — écrit par Thierry Guinot, maître de conférences, à l’Université Rose-Croix Internationale (U.R.C.I.). L’exposé s’inspire de larges extraits du livre, et à la lueur des doctrines orientales et des recherches effectuées au sein de l’Université Rose-Croix Internationale (U.R.C.I.), se veut une interrogation philosophique sur l’acte. Loin des explications naïves, comme des solutions-miracle, le problème du karma se trouve ainsi posé dans sa diversité, mais également dans son universalité.
1. — ORIGINES ET DÉVELOPPEMENTS DE LA THÉORIE
Le karma, ou karman, fait partie des doctrines que nous manipulons couramment sans prendre garde aux simplifications — voire aux déformations — que nous leur infligeons parfois à l’usage. Plusieurs conceptions, typiquement occidentales, contribuent à obscurcir notre compréhension du « karma », parmi lesquelles l’individualisme (qui postule que chaque être est indépendant des autres et du monde), la distinction manichéenne entre le bien et le mal, le positif et le négatif, etc. Mentionnons encore la dimension morale que nous attribuons systématiquement à la résultante de nos actes, mais aussi — et toujours — la logique linéaire, qui nous est profitable à certains égards mais nous éloigne considérablement de la pensée orientale.
Il peut donc se révéler utile de faire le point sur ce que nous appelons « la loi du karma » dont la racine sanskrite (KR : faire) révèle le sens : la loi du « faire, la loi de l’acte ».
Les quelques pages qui suivent ne prétendent pas couvrir une matière aussi vaste, mais seulement rafraîchir la mémoire et alimenter la réflexion, en rappelant brièvement les origines et l’histoire de cette doctrine, ainsi qu’en posant quelques points de repère sur le terrain de sa problématique.
1.1. — HISTORIQUE DE LA DOCTRINE DU KARMA
a) Les origines et la période védique
Plusieurs auteurs font remonter les origines de la doctrine du karma aux croyances des anciennes religions tribales (pré-védiques et pré-aryennes) de la région gangétique, là-même où fleuriront plus tard le bouddhisme et le jaïnisme, dans cette Inde du Nord si prédestinée aux grands développements du mysticisme. Il semble que cette région fut davantage le berceau des spéculations que celle de l’Indus (à l’Est), laquelle vit naître — par contre — le védisme et le brahmanisme. Ces religions primitives, qui subiront la concurrence des grandes expressions mystiques ultérieures, subsisteront cependant jusqu’après le V° siècle de notre ère.
Il est intéressant d’observer, dès cette époque, la présence du riz (offrande qui persistera sous cette forme) en tant que symbole : le riz se plante en deux fois, et se récolte plusieurs fois dans une année. Le thème des naissances multiples, mais aussi celui de la chaîne de la causalité se trouvent ainsi exprimés très tôt, même si aucun concept n’est encore formulé, ni celui de la réincarnation, ni celui de karma.
Il est évidemment très difficile de déterminer dans quelle mesure ces croyances ont ensuite influencé les penseurs indous, bouddhistes, ou jaïns, mais ce qui semble certain c’est que les grandes théories classiques ne sont pas sorties du néant : elles ont plongé leurs racines dans les complexes d’idéation que constituaient les représentations sociales primitives. Or les systèmes de pensée correspondant aux civilisations agricoles se fondent sur l’observation de la nature et de ses cycles, débouchant donc sur des conceptions cycliques de la vie et de la mort, et très logiquement sur l’idée d’une renaissance. Ce concept — si l’on ne peut encore parler de « réincarnation » — est en tout cas celui d’une renaissance périodique. L’eschatologie est apparemment un souci dès la période primitive, mais l’eschatologie de la renaissance de la renaissance est une construction intellectuelle typique du stade agricole d’une société. De cette relation avec un au-delà découle la constitution des rites.
Et ces rites peuvent parler. Il existe déjà un système transactionnel qui s’exprime dans les offrandes de nourriture (pinda) faites par les mâles d’un lignage aux ancêtres disparus ainsi qu’à leurs futurs descendants. Il y a alors transfert (espéré !) de mérite, et l’on peut donc parler d’une forme précoce de concept du karma qui serait — en l’occurrence — une sorte de « karma successoral réciproque ».
Ensuite la société — que l’on peut appeler « religieuse » depuis le moment où elle prend conscience d’une transcendance que l’homme doit rejoindre — va peu à peu se doter d’un clergé permanent, donc d’une institution cléricale ; ce sera alors la période des codifications. Sur le modèle eschatologique initial va se greffer peu à peu une préoccupation morale, qui constituera un stade secondaire de la doctrine. Les notions de bien et de mal, ainsi que les règles de conduite qui en découle, passent du domaine de la nécessité sociale à celui de la morale religieuse. On voit surgir les notions de péché, de mérite, de paradis et d’enfer, de récompense et de punitions déterminées par l’entité transcendante, mais administrées par le clergé, celui-ci étant le lien « officiel » entre le monde visible et le monde invisible. De l’apparition de ce « modèle moral » découle celle de la « justice », dont l’administration est également l’apanage du clergé. On est passé du stade « naturel » au stade « judiciaire », dont la stabilisation s’effectuera au moyen de la transmission écrite des règles. Commence la période des Écritures, lesquelles encouragent — bien entendu — la pensée spéculative.
Pour ce qui est de l’Inde, la partie écrite des Veda est généralement située à partir du XV° siècle avant J.C. Le Rig–Veda ne renferme pas de conception morale, pas plus — par exemple — que la religion iranienne originelle (pré-zoroastrienne) Le paradis est promis à tous ceux qui accomplissent les rituels, sans égard au caractère moral des actes effectués au cours de l’existence. Le sacrifice rituel, dans la religion védique, est appelé karma (acte) ; par lui on passe au-delà de l’économie de la vie et de la mort, autrement dit, l’on acquiert l’immortalité. On peut parler de « karma sacrificiel », dans la mesure où il existe une transaction : d’un côté, l’on donne, de l’autre on reçoit. Le sacrifice est alors conçu comme une représentation microcosmique symbolique de l’activité macrocosmique.
Les brâhmana, textes ultérieurs datant du X° au VIII° siècle avant J.C., mentionnent la punition en tant que sanction des actes, mais elle ne concerne que les transgressions rituelles et non les transgressions morales à proprement parler. Il s’agit toujours d’un système amoral, appartenant donc au premier état de la pratique du karma, avec l’acceptation première que l’on donne encore à ce terme.
b) Les upanishad
Les préoccupations morales et le stade secondaire de la doctrine, éléments dont nous venons de parler, vont trouver leur point de manifestation dans les upanishad à partir du VII° siècle avant J.C. Dernière partie de la révélation védique proprement dite (shruti), les upanishad sont des textes révélant un haut degré de spéculation philosophique, traitant abondamment de l’identité entre le Brahman créateur et l’âtman ou âme individuelle, mais aussi — entre maints sujets — de la syllabe OM, et pour ce qui nous intéresse, de la causalité appliquée aux actes des hommes.
En effet, c’est dans la « Brihad-Âranyaka Upanishad » (3. 2. 13) que l’on parle pour la première fois d’une « doctrine » du karma. Sous la poussée de la pensée spéculative, l’eschatologie de la renaissance devient réellement karmique, en même temps que la religion connaît un processus de moralisation. C’est d’ailleurs l’époque où surgirent concomitamment le bouddhisme, le jaïnisme, mais également la pensée pythagoricienne et l’orphisme dans la Grèce antique, avec des systèmes tout à fait comparables à la doctrine « moralisée » du karma. L’Inde n’était donc pas seule à présenter un humus favorable à la spéculation éthique.
Les upanishad n’eurent pas de « prophète » comme en eut le zoroastrisme, car leur origine est diversifiée, mais on peut cependant comparer les deux systèmes dans la mesure où ils professaient la rétribution des actes en fonction de leur qualification morale : un mauvais sort pour la mauvaise action, un sort heureux pour la bonne action. Ceci constitue donc une rationalisation par rapport à l’état précédent de la religion.
La pensée upanishadique est réellement ésotérique : ce n’est pas une religion du peuple. Le niveau élevé des textes les destine tout naturellement à une élite, et la démarche y est fondamentalement individualiste. Il convient de faire abstraction de notre culture chrétienne pour comprendre aujourd’hui que la poussée de la morale pouvait aller de pair avec celle de l’individualisme. L’acte était accompli dans l’espoir d’un salut individuel, autrement dit l’individu constituait un objet moral pour lui-même. Cette conception s’explique très bien dans le cadre d’une théorie née de la recherche intérieure personnelle comme c’est le cas des upanishad. Par contre, les religions nées d’une révélation divine à un prophète, chargé de la transmettre au peuple, impliquent le plus souvent une responsabilité collective, donc une morale conçue à travers des relations sociales (comme c’est le cas du judaïsme, du zoroastrisme, du christianisme ou de l’islam). Pourtant, de façon paradoxale, c’est précisément dans les pays de tradition chrétienne que la théorie du karma se trouve actuellement interprétée de la façon la plus égoïste, donc la plus restrictive (« Qu’ai-je pu faire pour qu’il m’arrive ceci ? » ou « Je n’obtiendrai le salut qu’en faisant ou en m’abstenant de faire cela »). Aux yeux d’un chrétien par exemple, c’est le bouddhisme — bien plus que les upanishad — qui donne au karma sa dimension morale.
Qu’il s’agisse d’une découverte intérieure personnelle ou d’une révélation extérieure, le stade moral d’un système religieux procède toujours d’une rationalisation préalable, même si l’intention morale n’existait pas à l’origine ; La rationalisation peut se passer de morale, mais la morale ne peut pas se passer de rationalité !
Par contre, on trouve une différence fondamentale entre les systèmes religieux basés sur une révélation publique et ceux qui sont basés sur une spéculation intérieure et personnelle. Les systèmes du premier groupe (judaïsme, zoroastrisme, christianisme, islam) véhiculent une vérité émanant de la divinité, et ne supportent pas la contradiction, qui est considérée comme hérésie. Les systèmes du second groupe (bouddhisme) acceptent au contraire la discussion et le compromis. L’intolérance constitue la règle des premiers, la tolérance est l’apanage des seconds. Du point de vue des rapports avec la société, les systèmes du premier groupe se trouvent souvent en position conflictuelle avec l’ordre laïc, tandis que les systèmes du second groupe, beaucoup plus ouverts, connaissent généralement des relations paisibles avec la hiérarchie et l’organisation de la société.
Combien de temps a pu durer la maturation de la théorie du karma à l’époque des upanishad ? Il est bien difficile de le dire, d’autant que le secret semble avoir été de rigueur à son sujet. On peut cependant, à ce stade, tenir pour acquis les éléments suivants :
•Une théorie du samsâra enfermant l’ensemble du monde vivant dans une continuité sans fin. Le samsâra est la séquence des incarnations ou des existences sous forme de principe et de flux.
•Une théorie de la réincarnation à travers des existences cycliques.
•Une théorie du karma faisant des incarnations passées les déterminants de l’incarnation présente.
•Une théorie du nirvâna par laquelle le salut entraîne l’arrêt des cycles des existences.
Le karma se présente alors sous un triple aspect : un principe de causalité (expliquant les événements de l’existence), un principe moral (permettant d’orienter cette existence), et la source potentielle de libération (des liens du système existentiel cyclique). Cette sorte de classification permet de distinguer le germe d’une pluralité de niveaux du karma, ce qui fera l’objet de spéculations futures.
Enfin, l’analogie micro et macrocosmique existe toujours, mais elle est passée du stade védique d’un symbolisme sacrificiel à celui d’une certitude née dans l’intériorité, pour laquelle la cosmologie s’exprime et s’actualise dans la syllabe mantrique OM. Là encore, aucune notion de collectivité n’apparaît : seul subsiste le dialogue entre l’homme et Dieu à travers la relation âtman et Brahman.
c) Le Mahâbhârata et les purâna
Ces deux ensembles de textes sont réunis pour la circonstance en raison de ce qu’ils appartiennent à la littérature épique et mythologique, bien qu’ils ne soient pas historiquement contemporains mais successifs.
Le Mahâbhârata (du V° siècle avant J.C. au IV° après J.C.) inclut la célèbre Bhagavad-Gîtâ. La perspective morale des actions humaines s’y trouve solidement ancrée, mais le destin apparaît cependant comme étant à la discrétion de Dieu et de lui seul, ainsi qu’en témoigne le fameux discours de Draupadî à Yudhisthira. Dieu (Être ou principe) est considéré comme l’élément central et générateur d’un univers vivant, animé d’une énergie vitale circulant à la fois sur les plans du macrocosme et du microcosme. Cet univers est composé des nombreuses créatures qui en sont elles-mêmes des répliques tout en restant des parties, selon une vision en hologramme, le retour vers l’entité originelle étant l’aboutissement final de la Création. Mais si le Mahâbhârata est riche en aventures comme en questionnements philosophiques, il ne propose toutefois pas de solution intellectuellement satisfaisante aux grands problèmes qu’il soulève, préférant s’en remettre à Dieu, ce qui — après tout — démontre une certaine sagesse.
Les purâna (du VI° au XVI° siècle de notre ère), par opposition — sans doute — à l’austérité des upanishad, proposent une interprétation populaire des Veda, ainsi qu’une pratique dévotionnelle affective et radicale : la bhakti. Bien qu’étant sans doute, au second degré, beaucoup moins simplistes qu’il n’y paraît, les purâna sont néanmoins compris d’une façon générale au tout premier degré. Les darshana (les six systèmes philosophiques) de l’hindouisme post-védique étant établis, on ne s’étonnera pas de voir le yoga collaborer à ce corpus, pas plus que certains concepts bouddhiques qui se développent parallèlement aux textes puraniques.
Les purâna s’attardent longtemps sur le thème (et la description) des châtiments promis à ceux qui commettent des fautes. Le clergé brahmane n’est évidemment pas étranger à cette option, si l’on juge par les récompenses assurées à ceux qui nourrissent… Les brahmanes justement ! On retrouve ce système dans les dharmashâstra, recueils « juridiques », donc établissant des règles normatives. Les considérations théoriques sont quasiment absentes de ces textes, mais les actions (mentales, verbales ou physiques) sont expressément désignées, avec les conséquences ou les réparations qui leur correspond. Voler les biens d’autrui, ceux d’un brahmane, assassiner un brahmane, commettre l’adultère avec la femme d’un guru, sont des exemples d’actes particulièrement répréhensibles ; renaître sous la forme d’un chien, d’un cochon, d’un insecte, ou d’un brin d’herbe constituent d’inévitables sanctions, tout ceci s’exprimant en de longs inventaires.
Il faut bien reconnaître que l’accent est surtout mis sur le châtiment, donc sur le mal qu’on peut commettre. D’autre part, le système des castes, qui est passé depuis les temps védiques d’un statut cosmologique à un système social discriminatoire, est très présent dans la littérature ce que qui fait que la régression biologique des incarnations y côtoie la régression sociale. Les malformations physiques y sont également présentées comme étant le résultat de fautes commises dans une vie antérieure.
Dès lors, le karma devient en lui-même un châtiment, par une perversion du concept : l’action implique le plus souvent la faute, et la renaissance une sanction, renforcée par un caractère d’inéluctabilité caractéristique des purâna. Ces textes, on l’aura compris, ne s’encombrent pas de finesses intellectuelles ou de figures optatives ; les impératifs et les automatismes moraux y sont la règle. Le jeu de la vie consiste donc à contrecarrer les effets du karma ; le corps subtil (jîva) est le véhicule du karma, qui va au ciel s’il a accumulé un solde positif de mérite (dharma) et en enfer dans le cas contraire (adharma). Le système ne pouvant toutefois s’exprimer de façon aussi grossière dans la mentalité orientale, on va rechercher un ancien concept védique, celui des preta (les esprits) afin d’introduire un moyen terme, une sorte de purgatoire, monde intermédiaire dans lequel le mort est nourri par les offrandes de sa famille, mais consomme aussi son propre karma.
Cette théorie, contenue dans l’Agni-Purâna, montre cependant la persistance de la notion d’échange, de transfert, durant cette période par ailleurs instable du point de vue des doctrines. D’autres traces de transfert peuvent être trouvées, comma par exemple la détermination de la naissance par le père (dans le Garuda-Purâna).
Le transfert du karma (ou des mérites des actes) s’effectue donc au sein de la lignée (dans les deux directions), mais aussi entre mari et femme (la vertu d’une femme compense les fautes de son mari, puisque les mérites d’une épouse font partie du karma du mari, entre frères, voire humains et démons). Les interactions du karma — qu’il s’agisse du Mahâbhârata ou des purâna — ne sont pas clairement définies, mais il existe encore d’autres incertitudes.
En effet, les purâna ne parviennent pas à sortir d’une contradiction à propos du destin : les dieux sont affranchis du karma, mais c’est pourtant le karma qui les fait s’incarner en tant qu’avatars. L’adjectif sanskrit daiva révèle cette ambiguïté : il signifie à la fois « qui dépend du destin » et « qui appartient au destin ». Faute de résoudre cette impasse, on introduit l’élément temporel en tant que source d’expérience, donc de souffrance. Le temps, le destin, et le karma, forment alors un consortium que l’homme doit essayer de vaincre : par l’effort, l’homme peut maîtriser son destin (cf. Devîbhâgavata Purâna, mais aussi Matsya Purâna). On en déduit qu’il peut aussi maîtriser son karma en échappant alors au cycle des renaissances.
Comment faire ? La générosité envers les brâhmanes reste un moyen sûr, mais les concepts du yoga — en s’infiltrant dans la pensée des purâna — préconisent la méditation et l’ascétisme. Déjà dans le Mahâbhârata, l’on rencontre la distinction entre la vie active au sein de la société (pavritti) et la vie ascétique hors du monde (nivritti). Le courant dévotionnel bhakti — pour sa part — préfère recommander le culte fervent d’une divinité. Les dieux reprennent ainsi aux brâhmanes le bénéfice des offrandes. Rendez donc à César…
Les questions posées, non résolues ou imparfaitement, mais ces textes sont accessibles au commun des mortels, et ils orientent la pratique populaire vers le chemin de l’illumination, de la libération, même si leur teneur purement doctrinale peut paraître mince. Ils s’inscrivent à merveille dans la réalité socio-religieuse de l’Inde, ce qui constitue un point très important. Par contre, l’héritage recueilli par l’Occident sera surtout celui de cette époque, et encore sera-t-il grevé de nombreuses simplifications, plus quelques incompréhensions, sans compter les adaptations inévitables à notre mode de pensée… Ceci peut expliquer, aujourd’hui, la conception très imparfaite de la doctrine du karma dans nos pays.
d) L’option du bouddhisme
Revenons à l’époque des upanishad, et voyons comme une pensée comme le bouddhisme (VI° siècle avant J.C.) a pu intégrer les concepts du karma. Observons en préliminaire que la préoccupation du Bouddha était surtout le nirvâna, donc précisément la « cessation du karma » (karma-nirodha), et qu’au surplus, il niait qu’il puisse exister une personnalité stable, une âme, ou encore une quelconque permanence. De là découlent plusieurs conséquences, et plusieurs interprétations qui seront le fait des différentes écoles « réalistes » des débuts du bouddhisme entre autres.
S’il n’existe ni âme ni personnalité durable, alors quel peut bien être le sujet de la réincarnation, sachant que le cycle du samsâra n’est pas pour autant remis en question ? L’homme qui accomplit l’acte sera-t-il celui qui en recueillera les conséquences dans une vie future ? Pour le Bouddha, ce n’est ni le même ni un autre : le lait de la vache devient caillé, beurre, ou beurre clarifié, et se transforme ainsi de telle façon qu’on ne trouve pas de lait dans le beurre, bien que le beurre reste cependant un produit du lait initial. C’est le grand principe de la « production conditionnée » (pratîtya-samutpâda), par lequel le Bouddha démontre que tous les phénomènes constituant la vie d’un individu sont interdépendants et se conditionnent mutuellement. Selon ce principe, l’ignorance conditionne les intentions d’actions, lesquelles conditionnent la conscience d’un individu ; de cette conscience naissent les sensations, qui provoquent le désir, celui-ci conditionnant de nouvelles actions qui conduisent à une nouvelle naissance, donc à une nouvelle mort, etc., le schéma étant ici volontairement simplifié à l’extrême. Des textes du Mahâyâna, datant du début de notre ère, préciseront ultérieurement que ce principe ne s’attache pas tant à la succession chronologique qu’à l’interdépendance proprement dite des phénomènes.
Il s’ensuit que l’acte n’est pas considéré comme existant après sa commission, mais comme potentialité, comme sujet du conditionnement de la conscience en l’état futur de celle-ci. Le samsâra peut alors être considéré comme un « vecteur de reconduction des incarnations » qui suit le sens désigné par le karma. Cependant, le Bouddha semble écarter un certain nombre, de phénomènes de la causalité strictement karmique, et l’attribue à des causes purement corporelles, ou extérieures, voir météorologiques, brisant ainsi la croyance en un karma systématique par la prise en compte d’événements fortuits.
Les actes produisent leurs effets selon des critères moraux : le bien produit le bien, le mal produit le mal. Un individu commettant à la fois des bonnes et des mauvaises actions au cours d’une existence, il faudra donc considérer le « solde », débiteur ou créditeur, seul ce solde faisant l’objet d’une compensation future ; pour le reste, il y a compensation automatique. L’action est considérée comme un fruit qui mûrit : à l’origine on ne voit pas le fruit, et le mûrissement peut prendre du temps ; ainsi certains actes mûrissent durant l’existence où ils ont été accomplis, d’autres attendront une existence ultérieure, d’autres encore connaîtront un mûrissement dans cette existence ce qui se trouvera amplifié dans une autre.
D’une vision assez pessimiste de l’homme, mais aussi de la simple constatation que les animaux sont plus nombreux que les humains, le Bouddha conclut que les réincarnations sous forme humaine ne sont pas la majorité. Toutefois, ceci ne doit pas être compris comme une désespérance, car la sotériologie (doctrine du salut de l’homme) est un axe fondamental du bouddhisme. En effet, si les événements présents trouvent leur cause dans les actes passés (purâna-karma), l’homme possède la liberté de l’accomplissement des actes présents (nava-karma), qui détermineront eux-mêmes sa situation future. D’autre part, chacun est libre de cesser d’agir : c’est la doctrine de la « cessation de l’action » (karma-nirodha).
Ce dernier terme doit se comprendre à travers une perspective morale : il faut compenser le mauvais karma passé et éviter toute action qui engendrerait un mauvais karma futur. Pour cela, le Bouddha préconise la voie du « Noble Sentier Octuple », qui comprend —entre autres — l’action parfaite. Qu’est-ce à dire ? Qu’il existe trois catégories d’actions « intentionnelles » : les actions positives, négatives ou mixtes (ces dernières étant en fait des « séries d’actes » apportant des conséquences successivement heureuses ou malheureuses), et une catégorie d’actions « désintéressées » (c’est-à-dire accomplies sans aucune intention et n’amenant aucune compensation — ni bonne ni mauvaise — donc aucune nouvelle naissance). Ces actions désintéressées constituent le fondement de l’orthopraxie bouddhique, de l’action juste.
La conception du bouddhisme considère trois sortes d’actes : l’acte de volition proprement dit (qui est l’acte mental ou mano-karma), et les actes issus de la volition (qui sont : l’acte verbal ou vâchi-karma, et l’acte physique ou kâya-karma). Cette classification montre à la fois une division triple — qui englobe la totalité des actions humaines — et une division double qui souligne le critère majeur du bouddhisme originel : la volition (chetanâ, littéralement : conscience, intelligence). La chetanâ est à la fois la volonté et l’impulsion génératrice d’action qui en résulte, cet ensemble déterminant la qualité morale de l’action, à la différence de l’acte involontaire qui n’entraîne pas les mêmes conséquences.
Au sujet de ces conséquences, il faut noter une importante interprétation : l’acte de volition est « formateur » (vijñapti-karma). Une fois l’acte accompli, le lien entre l’impulsion génératrice et l’acte lui-même subsiste sous une forme latente, « non formatrice » (avijñapti-karma), qui peut être bonne (kusala), mauvaise (akusala), mais jamais neutre (avyâkrila). Par contre, le vijñapti-karma et sa chetanâ peuvent être bons, mauvais, ou neutres. Ce qui n’est pas considéré par le Bouddha comme étant bon ou mauvais est neutre.
À partir de là, des querelles doctrinales ont surgi, dont l’une mérite une mention particulière : l’école sautrântika, niant l’existence du passé et du futur, qui estime qu’on attribue une forme temporelle à l’acte en fonction de son activité ou de son inactivité ; par conséquent si un acte « passé » est actuellement opérant, donc qu’il porte ses fruits, c’est qu’il est « présent ».
Il faut retenir que l’acte ne peut porter ses fruits que s’il est moralement signifiant (ce qui sous-entend une opposition radicale entre le bien et le mal), mais que, dans ce cas la conséquence est inéluctable, et d’autre part que — dans la pratique générale du bouddhisme — la moralité ne se conçoit qu’à travers une relation sociale : si l’homme est « l’héritier de ses actes », le mûrissement de ceux-ci agit aussi à l’extérieur et il existe dans un « karma collectif ».
e) L’option du jaïnisme
Historiquement contemporaine du bouddhisme et assez proche de ses options, la religion jaïne est issue de vingt-quatre maîtres dont le plus célèbre est le dernier : Mahâvîra. Très minoritaire, le jaïnisme est surtout connu en Occident pour sa doctrine de la non-violence, dont s’inspira d’ailleurs le mahatma Gandhi. Mais la culture jaïne possède une philosophie complète, en particulier une très intéressante métaphysique.
Le samsâra en fait partie, étant observé que la réincarnation est ici considérée comme un éventail très ouvert, incluant les espèces animales (ceci explique que le jaïnisme prône le respect de la vie animale de façon absolue, ce qui le mène parfois à certains extrêmes…). La divinité se situe à l’intérieur de l’âme humaine, cette doctrine de l’âme étant un point central de la pensée des jaïns.
Pour ceux-ci, l’âme n’est pas une entité omniprésente comme dans l’hindouisme, c’est une entité circonscrite au corps et à la forme de celui-ci ; il y interdépendance de l’âme et du corps, l’âme conservant une sorte de « persistance de la corporéité » même après la libération. Il existe une échelle des valeurs dans la Création, échelle au sein de laquelle l’incarnation s’insère en fonction des actions passées. L’âme suit généralement une progression ascendante, mais elle peut régresser ; il n’existe aucun « cran de sûreté » garantissant la direction ascendante.
La position de l’âme dans cette échelle est déterminée par les actions passées, mais étant donné que l’échelle est très vaste, on peut dire que c’est l’univers entier qui se trouve ordonné de façon karmique. Cependant, l’âme n’est pas réellement « poussée » par le karma, mais seulement « incitée » c’est la théorie du « corps karmique » (kârmâna-sharîra) et du « corps lumineux » (taijasa-sharîra).
La doctrine du jaïnisme considère quatre étapes dans le circuit karmique : l’impulsion (âsrava), la contention (bandha), la durée (sthiti), et la réalisation (anubhâga). C’est l’âme elle-même qui évolue ou qui régresse, par l’action — dans ce dernier cas — de « corrupteurs » qui ne sont autres que les catégories de karma. Ainsi la doctrine jaïne distingue-t-elle quatre obstacles mineurs, ayant pour effet de maintenir l’âme dans les liens du cycle des incarnations successives. Les descriptions de ce système sont très détaillées dans la littérature du jaïnisme, littérature qui s’est d’ailleurs intéressée très tôt — et abondamment — au thème du karma.
f) Le karma dans la pensée post-upanishadique
Après la grande période upanishadique, la venue du Bouddha et celle de Mahâvîra, la doctrine du karma va connaître des évolutions dictées à la fois par les six systèmes orthodoxes de l’hindouisme classique (les darshana) et les différents courants du bouddhisme que nous avons évoqués. Pour ce qui est de l’hindouisme — puisque nous parlons de l’Inde où le bouddhisme est, de nos jours, extrêmement minoritaire — la doctrine a suivi d’un côté les interprétations plus ou moins tardives des upanishad (advaita-vedânta ou yoga bien souvent), et de l’autre une ligne populaire, sans grand intérêt, débouchant sur des dérives simplistes et obscurantistes (auxquelles l’Occident n’a pas manqué de souscrire fréquemment, par souci de simplification).
Dans le yoga tel que le conçoit Patañjali, l’acte volontaire engendre un résidu karmique (méritoire ou non) laissant des imprégnations (samskâra) déterminant elles-mêmes des tendances (vâsanâ, littéralement : souvenirs subconscients). Le samskâra est « l’impression laissée par l’acte ». La vâsanâ est plutôt l’inclination provoquée par le samskâra. Ces vâsanâ consistent à la fois en une « mémorisation » de l’acte (smriti-vâsanâ) et en une « orientation de l’intention » ou klesha-vâsanâ (de klesha, littéralement : tourment) chez le sujet de l’acte, lorsque les vâsanâ sont activées. Les vâsanâ non encore activées se transmettent — au moment de la mort — dans le corps nouveau de la façon la plus appropriée aux caractéristiques (humaines ou animales) de celui-ci. Les résidus karmiques déterminent l’incarnation ou jâti (humaine ou animale) et sa durée (âyus) et le caractère dominant des expériences à vivre (bhoga). Lorsque les conditions de réalisation de ces expériences se présenteront, tel ou tel résidu karmique, évoluera dans l’une des trois formes (jâti, âyus, ou bhoga), et le sujet de l’acte (l’auteur) décidera de la « réponse à l’expérience » que constituera son acte, conservant donc son libre-arbitre et créant de cette façon d’autres résidus karmiques, donc d’autres vâsanâ.
Certains résidus karmiques doivent être activés dans la vie présente, d’autres dans une vie future lorsque les conditions de l’expérience seront réunies (par exemple pour la jâti). Cette théorie connaît d’ailleurs des développements complexes dans le cadre d’une conception qui admet la régression du cycle des incarnations dans des formes animales. Le yoga fournit des moyens permettant d’atténuer les klesha, en privilégiant les pratiques qui leur sont opposées, ce qui a pour effet de les « désactivés » ainsi que leurs vâsanâ. La technique de pratiprasava (littéralement : retour à l’origine) propose même de remonter en arrière, jusqu’à « l’état causal » de l’acte, ce qui fait appel à une logique récursive.
Le mîmâmsâ, autre système philosophique de l’hindouisme classique, donne aux résidus karmiques le nom d’apûrva, à la fois produit de l’acte passé et déterminant de l’acte futur, liant ainsi les actes par une corrélation des causes et des effets. Il est à signaler que cette école, dont la première expression s’appelait pûrva-mîmâmsâ, se fondait à l’origine sur les enseignements du sage Jaimini (IV° siècle avant J.C. ?), lui-même s’étant basé sur des préoccupations rituelles issues de la période védique, donc sur le concept d’un karma sacrificiel par opposition à la causalité de la simple action humaine. Le mîmâmsâ ; se transforme ultérieurement sous la forme de l’uttara-mîmâmsâ ; cependant sa philosophie originelle influence encore de nos jours la pratique hindoue, jetant ainsi une sorte de pont gigantesque entre les temps védiques et les nôtres. Ceci n’est pas anodin, car nous verrons que cette façon de distinguer la causalité « ordinaire » des hommes de la causalité qui s’attache aux actes imposés par les Veda peut représenter un grand intérêt.
Le vedânta (plus précisément sous sa forme d’advaita-vedânta) établit pour sa part une division des résidus karmiques en trois espèces : sañchita-karma, prârabhda-karma, et âgamin-karma représentant — très schématiquement — le karma passé, présent, et futur. Nous reviendrons sur cette distinction ; disons simplement que l’homme est guidé dans ses actes par les résidus karmiques et par les vâsanâ qui forment ses aspirations, ses désirs, ou ce que le langage moderne appellerait ses « pulsions ». Le karma apparaît ainsi comme un système déterministe et l’on passe dès lors au stade des spéculations avancées de la doctrine.
La notion d’apûrva (dans la philosophie mîmâmsâ) peut être rapprochée de celle d’adrista dans la philosophie vaishesika autre darshana de l’hindouisme, qui attribue cette causalité particulière une fonction dans le processus cosmique de destruction et de régénération. La philosophie sâmkhya, quant à elle, étend des potentialités de l’adrista en considérant que l’âme est une entité omniprésente : le karma étend alors son empire — au-delà de la personnalité de l’auteur de l’acte — à toute entité qui présenterait les caractéristiques nécessaires à l’accomplissement de la « rétribution ». Ce point sera très important pour la suite.
L’élargissement du domaine karmique depuis le microcosme jusqu’au macrocosme constitue une extension de la théorie, mais permet aussi de mieux comprendre ce qui était peut-être le sens caché des doctrines originelles, lorsque l’acte sacrificiel se voulait la « réplique » des actes accomplis par les dieux. L’universalisation du karma fait alors du samsâra lui-même une fonction karmique, ce qui permet de remettre la morale à sa véritable place : celle d’une valeur relative, idée d’ailleurs contenue dans certaines interprétations du bouddhisme.
Ces différentes doctrines et leurs évolutions respectives pourraient remplir un volumineux ouvrage : il n’était question ici que d’en faire mention, et non analyse. La réalité indienne contemporaine est le fruit de ces courants divers, mais on remarque qu’aujourd’hui encore la vision élargie du karma est surtout le fait des érudits la majorité du peuple s’en tenant toujours à la dimension morale, ou plutôt moralisatrice, de la théorie.
Dans une seconde partie, nous essaierons, sans rentrer dans les détails, de repousser un peu l’horizon conceptuel du sujet.
Philippe Lassire
VOS COMMENTAIRES
Néanmoins, si vous pouviez préciser en quelques lignes l'approche occidentale du karma. Je vous souhaite bonne continuation pour ce blog si intéressant.
Une grande partie du mysticisme occidental, notamment le rosicrucien, reconnaît la doctrine du karma, mais l’application qu’il en fait est sensiblement différente de celle qu’en fait le mysticisme oriental. Pour le mysticisme occidental, le karma est comparable à la loi de causalité. Tout acte, que nous accomplissons a automatiquement une répercussion sur nous, ce que nous appelons familièrement la loi de cause à effet. Tout acte mental ou physique, entraîne un résultat dont la valeur est liée à la cause elle-même. Ainsi, si l’on met en mouvement une succession d’actes créateurs, moralement bons, ces actes tourneront finalement à l’avantage de l’individu. Les erreurs font souvent naître la souffrance qui peut être associée au résultat de l’acte n’est pas un résultat intentionnel. Elle est inévitable. Elle procède de la nécessité de la cause, mais elle n’est pas voulue en tant que punition. Ce n’est pas une affaire de sanction. Ces souffrances, mais il peut aussi bien s’agir de joies, apprennent à l’homme les conséquences de ses actes causatifs. Il sait à quoi il doit s’attendre quand il les accomplit. Beaucoup de personnes qui peuvent mettre en cause les codes moraux. Elles peuvent les trouver illogiques, mais l’homme ne peut discuter ou réfuter les effets de ses propres actes, quand il en fait l’expérience. Il sait qu’ils sont inévitables, et il doit adapter sa vie en conséquence. Le karma fournit ainsi, à chaque individu, une expérience intime des lois universelles. Elle ne lui est pas rapportée par les autres. Le karma fait ainsi disparaître la foi aveugle, les doutes, le scepticisme, et leur substitue la connaissance nécessaire à une vie droite.
Nous n’avons aucune excuse, pas même l’ignorance, à notre mauvaise conduite. Nos actes ont des conséquences karmiques majeures et mineures. Les effets karmiques majeurs résultent de la violation des lois et des principes cosmiques. Il n’est pas toujours nécessaire de se cogner la tête contre une pierre pour comprendre qu’elle telle action est mauvaise et douloureuse. Autrement dit, il n’est pas nécessaire de subir un effet pour savoir ce qui résulte d’une cause. Nous avons reçu un baromètre spirituel : notre sens moral ou « conscience ». Ce baromètre nous avertit toutes les fois que nos actes, ou les actes que nous envisageons, sont contraires aux lois et aux principes cosmiques. En fait, cela peut se manifester comme une répugnance à perpétuer certains actes ou à poursuivre dans une certaine direction que nous avons à la pensée. Si, pourtant, nous continuons malgré les avertissements de ce baromètre qu’est la conscience, nous en subissons alors les effets qui peuvent être désagréables et nous servir d’amère leçon.
Je vous souhaite bonne réflexion et bon courage en espérant que mon explication est plus explicite que la doctrine orientale que j’ai reprise dans mon exposé.
J’imagine que vous avez compris que je suis Chinoise et que j’ai une certaine culture dans le bouddhisme tantrique. Je pense que votre impressionnante et étendue culture m’apportera une vision différenciée en rapport avec ma propre évolution.
Je vous adresse mon plus profond respect.
— Symbolique de la Cathédrale gothique (Chartres) — en deux parties (probablement avant la fin du mois)
— La Grande Fraternité Blanche en Palestine
— L’eau, le miracle oublié — en deux parties
— Les mystères de l’Évangile de Jean — peut-être en deux parties
— Le tantrisme, la voie de libération immédiate
— Le soufisme
— Dodécade et Sophia — en deux parties
— etc.
En espérant que vous aurez la patience d’attendre, je vous adresse mes amicales pensées.
Je suis Mexicaine et j’habite les environs de Veracruz. Comme vous pouvez vous y attendre, je suis profondément chrétienne, mais à la lecture de vos écrits, surtout sur la réincarnation et le karma, j’ai senti une évolution progressive en moi. Je ne renie pas mes bases religieuses, mais, grâce à vous, je sens en moi une certaine quiétude et j’ai maintenant une réponse apaisante à bien des questions. Je serais tellement contente de vous rencontrer et parler de tous ces sujets si motivants. J’ai lu tous vos articles et j’attends avec impatience ceux que vous allez écrire dans les mois qui viennent.
A bientôt et bonne continuation.
Votre message m’a plongé immédiatement dans de merveilleux souvenirs, à l’époque où je faisais une croisière dans le golf du Mexique, avec comme port d’attache la Nouvelle-Orléans. Durant cette croisière, nous relâchions deux à trois jours dans chaque port et notamment à Veracruz. Nous arrivâmes en plein Carnaval dans cette merveilleuse ville de style colonial espagnol. Il y avait une place centrale, appelée, si ma mémoire est bonne, plazza del Novios. Tous les soirs, vers 21 heures, les jeunes gens circulaient autour de la place dans un sens et les jeunes filles dans l’autre sens. On se croisait, on se regardait, on échangeait des sourires et quelques paroles, au bout d’un certain temps, si l’on s’était plu, on quittait ensemble la procession. Durant le carnaval, on dansait (hommes et femmes) vêtus de la traditionnelle robe des moines et encagoulés, en principe les femmes devaient porter un ensemble blanc et les hommes un ensemble noir, mais malicieusement il y avait des mélanges. Ensuite, chaque couple constitué quittait la place et se dirigeait vers la magnifique plage afin de s’allonger sur le sable fin ou sur les filets des pêcheurs, et la main dans la main regardait la somptueuse voûte céleste d’une pureté sans pareille, cherchant l’avenir et la Constellation de la Croix du Sud afin de faire un vœu. Pendant ce temps, la mer, clapotant en musique, venait doucement lécher le sable d’or et d’argent.
Pour une fois, je ne parle pas de philosophie et je vous souhaite que vous viviez ce un tel moment.
À bientôt et bon rêve.
Si je comprends bien le Karma existe par ce que l'on se définit à travers une doctrine ?
Mais quand on en ne possède aucune, quand on est seul face à l'immensité de l'univers avec comme seul porte accessible le soleil, comment définir le karma quand l'esprit divin se confond avec l'astre solaire ?
Merci pour votre travail.
C’est très bien, vous semblez faire partie de ces gens, de ces chercheurs qui n’acceptent pas à la lettre les divers endoctrinements émis par les différentes religions et philosophies du globe. Vous avez raison, car dès notre naissance nous sommes totalement conditionnés par notre environnement familial, scolaire, sociétal et souvent religieux, mais il nous faut des éclairs de conscience intérieure pour en prendre conscience.
Très rares sont les vérités absolues d’hier qui ont survécu à l’évolution. La notion de karma existe depuis au moins 3000 ans en Extrême-Orient et au Moyen-Orient, mais cela ne prouve absolument rien par rapport aux chrétiens qui eux, depuis 325, s’appuient sur la résurrection. Il y a quelques décennies, la science a fait la preuve de l’immortalité des électrons et autres qui se dissocient dans un corps à la mort et se recomposent ailleurs, mais avec une expérience acquise supplémentaire et donc une évolution.
Personnellement, au vu des dernières découvertes scientifiques, je suis tenté par l’hypothèse que l’univers est un être conscient et que nous sommes chacun une des cellules de celui-ci, mais également un fragment de conscience de l’univers. Dans cette hypothèse chaque conscience qui est en nous serait immortelle et ferait un voyage initiatique en passant par le minéral, le végétal, l’animal, l’humain, puis ? Dans ce cadre, l’astre solaire est une conscience d’une autre dimension, ainsi que les planètes qui gravitent autour de lui, dont la Terre. Cette hypothèse est loin d’être récente, car Thalès de Milet l’a émise (l’hylozoïsme) entre 625 et 547 avant J.C. Cette hypothèse prend en compte que la Terre est un être vivant et conscient. Cette hypothèse a été reprise il y a quelques années par des savants qui l’on baptisée hypothèse Gaïa. Notre astre solaire va connaître une fin physique également, mais sa conscience suivra le destin qui lui appartient, donc son propre karma d’astre.
Dans mon hypothèse, l’esprit divin ne se confond pas uniquement avec le soleil, mais avec l’ensemble de l’univers.
Bien amicalement et bonne réflexion à vous.
Je suis conscient que Gaia est la terre vivante.
Je suis aussi inscrit dans le pouvoir de l’instant comme l’est notre planète.
Je pense que notre monde est illusion au-delà de cet instant.
Les apparences peuvent être trompeuses, comme l’est la relativité de l’évolution qu’elle soit biologique minéral ou végétal.
Il a paradoxe entre installer la vie durablement et patiemment et la bouleverser brutalement et violemment.
Comme nous oublions souvent que notre perception et notre relation à notre environnement sont purement conceptuelles.
C’est la raison pour laquelle toute doctrine est douteuse, quand elle cherche à s’élever au dessus des réalités terrestres intrinsèques. L’ignorance a toujours été plus forte que la réalité.
Comme la vérité de ce que nous croyons, s’oppose à la réalité de ce qui est, depuis que nous avons artificiellement perdu notre conscience qui appelait, en écho, celle de la Gaia, la terre.
Je m’explique sur tout ça et d’autres choses ici :
http://www.blog55-philippe-roquier.f
Merci pour votre réponse
Amicalement
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